Après qu’elle eut roulé dans un panier, le 10 thermidor 1794, le camarade Robespierre a retrouvé sa tête, remodelée par et pour le cinéma. Problème : sa « gueule » ne
revient pas à ses héritiers spirituels qui le trouvent trop gros, trop laid, trop méchant, trop perruqué et surtout trop vérolé.
Réalisée par un spécialiste de la reconstruction faciale qui dit avoir utilisé les techniques du FBI et du cinéma, on croyait la chose artistique. Erreur : elle est politique ! La
preuve : l’extrême gauche monte au filet : « Touche pas à la figure de ma Révolution ! »
Devant le portrait de « l’incorruptible », Mélenchon ne décolère pas et parle de manipulation : « Vieille ruse de l’iconographie, dont je fais les frais plus
souvent qu’à mon tour : la laideur du visage est censée révéler la laideur de l’âme ! C’est le but que se proposait madame Le Pen quand elle a dit de moi, de façon surprenante, que
j’avais un “physique repoussant”. » Ben, cher Jean-Luc, il faut dire que tu t’appliques fort à paraître menaçant avec ton index imprécateur, tes yeux qui dériboulent et ta bouche
écumante, alors, forcément… Plus fâché encore, Alexis Corbière, numéro deux du parti, a évoqué devant cette reconstitution une « calomnie orchestrée par des charlatans ».
Non, mais !
Pour trancher, Le Nouvel Obs est parti à la
pêche aux historiens. Parmi eux, un certain Guillaume Mazeau, maître de conférences à l’Institut d’histoire de la Révolution française. De Robespierre, il nous dit qu’« il n’était pas
un homme seul, pas le visage de la Terreur ». Surtout, « c’était un homme d’État en période de guerre civile, qui cherchait à faire survivre la République autour d’un centre
radical, sans céder aux extrêmes ». Une sorte de Bachar el-Assad, en somme. « Il n’était qu’un dirigeant parmi d’autres, qui a cautionné comme les autres les exécutions mais
au nom de la raison d’État, pas de la violence sanguinaire », poursuit M. Mazeau. Un peu comme tonton Adolf et le grand-père Joseph, de grands socialistes amoureux de la patrie, ou cet
autre grand révolutionnaire que les Chinois honorent aujourd’hui : le camarade Mao.
Enfin, d’aucuns s’offusquent du visage grêlé du grand Maximilien. Indigne, crie la famille ! Comment cela, la Révolution aurait eu la vérole ? Pourquoi pas,
après tout. Notre ministre de la Culture à vie, celui qui nous vit « passer de l’ombre à la lumière » un jour de mai 1981, qui fut aussi ministre de la Communication, des Grand
Travaux, de l’Éducation et du Bicentenaire, l’ineffable Jack Lang qui rêvait d’un « grand ministère de l’Intelligence » : cet homme-là n’a-t-il pas, lui aussi, le visage
grêlé d’une vieille pomme ?
Dans notre époque portée comme chacun sait à la nuance, il faudrait donc souscrire à ce dogme laïque : Robespierre est le visage de la Révolution, la Révolution, c’est le bien, donc
Robespierre est bon. Et beau. Parce qu’il le valait bien.
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