Comme attendu, la Russie de Vladimir Poutine n’a pas soutenu le régime corrompu – et surtout l’homme – de Victor Ianoukovitch. Face à l’accélération des événements, l’armée ukrainienne a annoncé très tôt qu’elle n’interviendrait pas dans le conflit, qualifié de « politique », signant de facto la chute de Ianoukovitch. Il a été abandonné encore par son parti et son action a été dénoncée par différents hauts responsables militaires et policiers.
Il s’est enfuit, comme certains de ses ministres et des chefs de l’administration. Sa fuite ne semble avoir provoqué aucun mouvement populaire de soutien ni à Kiev, ni dans l’Est du pays. Il a publié un communiqué dénonçant un « coup d’État nazi » et s’affirmant chef d’État légitime, avant de tenté de s’enfuir en avion.
Une nouvelle fois, alors que l’UE, la Russie, l’opposition parlementaire et le pouvoir s’étaient mis d’accord, c’est l’action des nationalistes radicaux qui a fait basculer la situation en fin de semaine, en refusant le compromis et en forçant le président au départ.
La journée de samedi a été marquée par de multiples votes au Parlement. L’une des premières mesures, à l’initiative de Svoboda, a été la nationalisation de la résidence secondaire de Victor Ianoukovitch d’un luxe démesuré alors que le pays est ruiné. C’est un symbole fort alors que ces dernières années avaient été marquées par des privatisations souvent jugées scandaleuses. La loi sur les langues minoritaires a été abolie. C’était l’une des revendications majeures des nationalistes : la loi était considérée comme pro-russe, imposée par un ministre de l’Éducation particulièrement détesté. Le chef de Svoboda a affirmé que le nouveau projet de loi serait rédigé en collaboration avec les minorités et que leurs revendications seraient satisfaites. Le chef du Secteur de droite Dmytro Yarosh s’est positionné de la même façon.
Les nationalistes ukrainiens radicaux ont obtenu globalement ce qu’ils souhaitaient : en premier lieu le départ de Ianoukovitch sans condition ni compromis, l’abrogation des lois liberticides, la dissolution des Berkut (qui est en cours de discussion) et, concernant l’action menée ces derniers mois, la libération et l’amnistie de tous les prisonniers. D’autres demandes ont été relayées par Svoboda, comme l’interdiction du Parti communiste et du Parti des régions. La décommunisation se poursuit dans le pays et de nombreuses statues, plaques commémoratives, etc., des divers criminels contre l’humanité communistes ont été détruites ou démantelées. Une partie des manifestants est très méfiante vis-à-vis de l’opposition et certains souhaitent continuer à faire le ménage.
Ces dernières heures ont été marquées par le limogeage de trois ministres : Tabachnyk (Science et Éducation), Kozhara (Affaires étrangères) et Bohatyreva (Santé), le retour à la constitution de 2004. Les élections législatives et présidentielles ont été fixées au mois de mai ainsi que les élections municipales. Une autre importante décision, bien que contestée par une partie de l’opposition, a été la libération de Ioula Timochenko.
La Russie et l’Allemagne ont appelé à l’unité du pays, suivis par de nombreuses puissances. Mis à part le cas de la Crimée, république autonome qui a déjà demandé à plusieurs reprises son indépendance ou son rattachement à la Russie, cette éventualité ne paraît pas à l’ordre du jour. Ce sont d’ailleurs des gardes-frontières de l’est russophone qui ont interdit à Ianoukovitch de fuir le pays, et ont même dénoncé une tentative de corruption du président déchu.
Leonid Sloutski, premier vice-président du Comité de la Douma pour les Affaires étrangères a fait connaître sa préférence pour la désignation de Ioula Tymochenko. Cela a été perçu comme le choix du Kremlin par divers médiats. La Russie a rappelé son ambassadeur pour des consultations.
L’oligarque, ancien premier ministre, avait été emprisonnée pour abus de pouvoir, mais paraît avoir conservé l’estime de Vladimir Poutine. Elle a fait savoir cependant qu’elle n’était pas candidate au poste de chef du gouvernement provisoire. Elle pourrait cependant attendre la tenue des élections de mai pour se déclarer candidate.
Le bilan des journées sanglantes de la Révolution de la Dignité oscille entre 80 et plus de 100 morts. Il y a quinze svobodovtsev parmi eux et plusieurs militants nationalistes radicaux des différentes organisations du Secteur de droite : Trident – Stepan Bandera, Patriotes d’Ukraine et UNA-UNSO.
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