À l’occasion de l’adoption de la loi « visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale », le 24 juin 2016, l’association caritative ATD Quart Monde, qui en est à l’origine, revient, dans son journal mensuel, sur le projet d’ouverture d’un centre d’hébergement d’urgence (CHU) pour 200 personnes dans le XVIe arrondissement de Paris.
L’intérêt de cette loi ne fait aucun doute, comme l’avait déjà montré ladite association dans son livre blanc de 2013, recensant les traitements injustes (notamment dans la santé et l’emploi) subis par les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (soit 8,5 millions de personnes en France, représentant 4 % de la population, selon l’INSEE).
Traiter quelqu’un de « cas soc’ », c’est fini et c’est tant mieux. Le Code pénal le sanctionne désormais, et le Code du travail protégera les salariés de cette discrimination.
Cependant, ce que l’on comprend moins, c’est que l’exemple du CHU du XVIe arrondissement ressorte à cette occasion, comme l’exemple type du « rejet de l’autre » pour cause de pauvreté.
Les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (laquelle assistait à la réunion de protestation mémorable du 14 mars au soir à l’université Paris Dauphine, au cours de laquelle la préfète Sophie Brocas avait été insultée) parlent de « haine de classe », mettant en avant la qualité de « sans-abri » des futurs accueillis et non de « migrants ».
Soit ils méconnaissent, soit ils dissimulent la vérité. En effet, qui sont les sans-abri aujourd’hui en France ?
Quand on va sur le terrain, les travailleurs sociaux ou les bénévoles le reconnaissent : la population a changé. Désormais, la majorité est étrangère. Selon leurs propres dires, nos vrais « clochards » autochtones sont devenus une espèce rare, et tant mieux, qui se sentent d’ailleurs un peu à l’étroit dans les centres où l’on ne parle plus le français.
Et ce n’est pas un délire de l’extrême droite xénophobe, c’est mathématique : en 2015, l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) a rendu 61.963 décisions, dont seulement 14.060 avis favorables (y compris après recours devant la Cour nationale du droit d’asile). Sachant qu’il n’y a eu, parallèlement, que 6.311 expulsions du territoire français et 2.791 départs spontanés (chiffres du ministère de l’Intérieur), où sont ces dizaines de milliers de personnes devenues « clandestines » ?
La réponse est limpide : ils viennent gonfler les effectifs des centres d’hébergement d’urgence qui accueillent toute personne « sans-abri », sans distinction d’origine, mais cela ne se dit pas, surtout pas aux habitants du XVIe qui ne s’y sont pas trompés… Mais c’est tellement mieux de les faire passer pour de vilains bourgeois égoïstes.
Le 15 septembre, date d’ouverture prévue du centre, les habitants du XVIe sont priés de mettre le petit doigt sur la couture de leur pantalon et de participer au grand mensonge sans piper.
Emmanuelle Frankl
Source : http://www.bvoltaire.fr