Pas de bœuf-carottes chez les magistrats. Juste des tartuffes. (par Marie Delarue)
J’ai le souvenir d’un ami qui laissa sa chemise dans des démêlés avec le fisc pour la raison qu’il s’était fait escroquer par son notaire, lequel avait encaissé le produit de la vente
de biens immobiliers au lieu de les reverser aux impôts pour régler une succession. Les gens de Bercy ayant dit à cet ami que la seule façon pour lui d’en sortir était de faire un procès audit
notaire, il leur demanda une attestation pour établir les faits devant le tribunal. Réponse de l’agent du fisc : « On ne se dénonce pas entre officiers ministériels. »
Manifestement, on ne fait pas non plus la chasse aux ripoux chez les magistrats.
Saisi par madame Taubira, ministre de la Justice, pour rendre un avis sur l’affaire du fameux « mur des cons », le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) s’est fendu d’un communiqué alambiqué pour expliquer que oui, ça n’était sûrement pas bien, mais que non, il ne dirait rien parce qu’il ne voulait pas violer son sacro-saint « principe d’impartialité » (sic).
Se mêlant de cette histoire, l’instance de discipline des magistrats « excéderait la compétence que lui reconnaît la Constitution », nous dit-on. En rendant au ministre
l’avis qu’on lui demande, elle « exposerait le Conseil à un risque de blocage institutionnel, s’il devait être saisi de ces faits au titre d’une procédure disciplinaire ». Car,
disent ces tartuffes, s’il appartient au CSM de « définir [...] les devoirs qu’impose aux magistrats l’exercice de leurs fonctions [...], cette compétence ne peut lui permettre de se
prononcer sur une affaire particulière ». Comme la dame de Bercy et son escroc de notaire, en somme.
Qu’à cela ne tienne, madame Taubira s’est satisfaite de la réponse. Elle en est même très satisfaite. Elle a fait savoir qu’elle renouvelait sa confiance aux magistrats, assurant que « leur impartialité n’[est] pas remise en cause du fait de cette action inappropriée » de membres du Syndicat de la magistrature (SM).
« Affaire particulière », « action inappropriée »… C’est franc comme du DSK.
Le seul, finalement, qui va devoir rendre des comptes dans cette histoire est le journaliste de France 3 Clément Weill-Raynal, renvoyé par sa hiérarchie devant un conseil de discipline. On lui reproche d’avoir menti sur l’origine de ces images qu’il avait lui-même filmées pendant l’interview de la présidente du SM.
Reste une question : s’il n’avait pas utilisé cette manœuvre détournée, via le site Atlantico, pour révéler l’affaire, la chaîne en aurait-elle parlé ? Ou bien aurait-elle dit comme le CSM : circulez, il n’y a rien à voir !
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