Le racisme larvé, c’est aussi à la RATP (par Marie Delarue)
La politique de la RATP est des plus surprenantes. Je parle ici de sa politique
sécuritaire et tarifaire, vente – ou pas – des titres de transport et contrôles au faciès.
Pour la vente, la Régie a depuis quelques années supprimé celle au guichet pour la remplacer par des distributeurs automatiques. On ne sait ce que les guichetiers sont devenus. Pas virés, sinon on l’aurait su, mais plus sûrement payés à ne rien foutre. Au mieux en voit-on quelques-uns somnoler aux heures chaudes, passant leur temps au téléphone tandis qu’ils regardent d’un œil bovin la file qui s’allonge devant un automate récalcitrant. Plus souvent, il n’y a même personne dans la guérite, et tant pis pour le touriste sans monnaie ou sans carte bancaire qui ne lit pas le français ou l’anglais. La machine ne comprend pas le langage des signes.
Et s’il ne peut acheter son
ticket, celui-là a en revanche toutes les chances de se faire gauler au premier détour du couloir par une nuée d’hommes en kaki. Car c’est là notre second motif d’étonnement : la politique
de contrôle des voyageurs semble, elle aussi, obéir à une logique toute particulière.
La fraude coûte en effet très cher à la RATP : 100 millions d’euros par an, dit son PDG Pierre Mongin. Les amendes vont de 30 euros (pour un ticket non validé, et si elle est payée tout de suite) jusqu’à 60 euros « en cas de franchissement illicite sans titre de transport, traversée des voies, fait d’uriner ou de souiller les locaux », et 90 euros si l’amende n’est pas payée dans les deux mois suivant l’infraction. Encore faut-il que le contrevenant décline sa réelle identité et ne donne pas une adresse bidon au contrôleur. Et qu’il soit solvable… On ne sera donc pas outre mesure étonné que la RATP ne récupère que 18 à 19 millions d’euros par an sur la centaine que lui coûte la fraude.
Du coup, monsieur Mongin a une idée : augmenter les amendes. « Nous sanctionnons de manière trop modeste les fraudeurs. Je vais réclamer à l’État une hausse
des montants qui rendrait ces infractions plus dissuasives, surtout pour les récidivistes », vient-il d’annoncer. Et d’ajouter : « Lutter contre la fraude est notre
priorité absolue. Jusqu’à présent, le problème se posait surtout dans le métro mais aujourd’hui le bus et le tram nous préoccupent. À la RATP, 1.000 personnes sont chargées tout spécialement de
cela. »
Ah bon, ça les préoccupe ? Et où ça, s’il vous plaît : entre La Défense et l’hôtel de ville, peut-être, ou du côté de l’avenue de Wagram, ou bien sur le tram des « cols blancs » ? Franchement, monsieur Mongin, vous ne seriez pas en train de vous foutre de notre gueule, par hasard ?
Avec trente ans de pratique quotidienne du métro et des bus
parisiens, je l’affirme, la RATP contrôle au faciès : dans les stations à touristes et les quartiers chics de préférence, aux heures creuses si possible, les peaux claires et les cheveux
blancs prioritairement. Il faut dire qu’on a rarement vu une mamie coller une patate au contrôleur avec son déambulateur. Je n’ai jamais vu un contrôleur aux Halles, ni jamais dans le bus 26 qui
passe à la gare du Nord avant de traverser les cités du XXe… Quant au tram, parlons-en : une dame de mes amies prit un jour le T1 qui contourne Paris par La Courneuve et Saint-Denis. Elle
s’adresse au chauffeur : « Pardon, monsieur, combien de tickets pour Asnières ? » Éclat de rire du monsieur : « Vous plaisantez, madame, ici personne ne
paye ! »
Mais il est vrai, dit M. Mongin, qu’en Île-de-France 800.000 personnes bénéficient déjà de la gratuité. Les autres peuvent bien banquer pour elles.
Commenter cet article