Le couple Badinter au Panthéon des saints laïcs (par Gabrielle Cluzel)
Séquence émotion, en fin de semaine
dernière, au collège de La Couronne en Charente. À l’occasion de l’officialisation de son nouveau nom – « Collège Élisabeth-et-Robert-Badinter » –, l’établissement a accueilli
en grande pompe sa marraine, sa sainte patronne laïque, Élisabeth Badinter, Robert s’étant fait excuser pour cause de mauvaise chute.
Le journal Sud-Ouest décrit la « standing ovation », ambiance appareil dentaire et tee-shirt Hello Kitty, rapportant avec attendrissement les propos d’un jeune 6e, « tout content de pouvoir apercevoir la femme de celui qui a abolisé (sic) la peine de mort ». On ne peut pas tout faire non plus : bosser dur pour sensibiliser les élèves aux grands combats du couple Badinter et leur apprendre la conjugaison.
Le maire socialiste de La Couronne, Jean-François Dauré, qui n’est évidemment pas pour rien dans l’affaire, voit dans le choix d’Élisabeth et Robert Badinter un « choix
philosophique car ce couple représente une autorité morale en France ».
D’un coup, on se gratte la tête : cette manie socialiste de mettre sur une stèle et d’ériger en modèle aux enfants une personnalité qui n’a pas encore passé l’arme à gauche n’est-elle pas terriblement casse-gueule ? Car Élisabeth Badinter n’est évidemment pas la seule à être auréolée dès son vivant : on ne compte plus les collèges Simone Veil et les écoles Nelson Mandela, pour ne parler que d’eux.
L’Église, qui a une expérience bimillénaire
dans ce registre, sait que les mystères de l’âme humaine sont insondables. Que tant que l’on n’est pas arrivé au bout du chemin, on n’est pas à l’abri d’un dérapage et d’une sortie de route.
Bref, prudente, elle canonise exclusivement les morts, évitant ainsi de s’exposer à de graves boulettes qui vous donnent ensuite l’air bête. Mieux, l’Église préfère attendre que tout se soit
tassé, l’engouement d’un jour et l’emballement collectif. Elle laisse le temps faire son œuvre. Le santo subito, sauf exception, ce n’est pas trop son truc.
Une chance que personne n’ait eu l’idée, il y a cinq ans, d’appeler un collège du nom de ce grand économiste devant l’éternel qu’est Dominique Strauss-Kahn… Bon, et maintenant, qui s’y colle pour
aller expliquer aux enfants ? Au lycée Florent-Schmitt de Saint-Cloud, que l’on
a dû débaptiser à la sauvette et renommer avec autant de discrétion Alexandre-Dumas lorsque l’on a découvert, il y a quelques années, que le musicien aurait collaboré pendant la dernière guerre,
on peut témoigner : l’expérience est assez pénible.
« Une autorité morale en France », ce sont les mots de Jean-François Dauré. Morale, donc, la GPA, pour laquelle milite la féministe Élisabeth Badinter. Morale, aussi, l’immense fortune (treizième rang français d’après le classement du magazine Forbes de 2012) de celle qui, fille de Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis, demeure présidente du conseil de surveillance du groupe. Et après, certains vont dire qu’au PS on n’aime pas les riches. Quelle calomnie !
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