C’est beau la République
[...] Donc la démocratie, pétrie de ses principes à la con,
attendait jusque là généralement de se prendre une toise pour réagir, et c’est l’ennemi qui lui a offert sur un plateau la belle solution pour anticiper toutes les toises : la Shoah.
Ben oui, tout ce qui menace la République mène à la Shoah, donc faut serrer les rangs, tas de cons, pas dépasser des tranchées, et voter pour des candidats certes pas bandants, mais ô combien sur la ligne du parti, c’est-à-dire républicains. Ils sont pas terribles mais ça peut être pire. Et il y a du choix, ils sont de gauche, de droite, du centre, écolos, rebelles, conservateurs, féministes, homosexuels, formatés, proches du peuple, aristos, jeunes, vieux, académiques, trublions, etc.
Et leurs mérites et petites péripéties sont obligeamment relatés par des journalistes qu’on sent très proches d’eux.
Ce sont tous des braves gens, y’a pas de doute, un peu comme les animateurs des jeux télévisés, qui vivent dans un monde imaginaire, entre eux. La démonstration que l’aristocratie démocrate a de beaux jours devant elle. Le droit du sang y fonctionne à plein, bien plus que l’allégeance absolue à ladite caste. Les journalistes se recrutent entre eux, les enseignants aussi. Pour être élu, faut passer à la télé, et pour passer à la télé, faut être élu.
La République et les médias, c’est toute une histoire.
La République a d’ailleurs fait très tôt des lois intéressantes sur la liberté de ladite presse, à une époque où elle était un peu trop libre. L’exploit de la loi de 1881 est de passer pour une
loi libertaire alors qu’elle explique froidement que la liberté de la presse n’existe pas. Bien sûr, la République n’a eu de cesse de serrer les boulons au fil des décennies, jusqu’aux
sympathiques lois communistes (logique !) que nous avons vu naître ces dernières années. Et il faut aussi surveiller Internet, parce que ça y discute et ça y argumente que c’est pas tolérable.
Parce que la liberté, en République, ça devient vite la porte ouverte à tous les fascistes. Donc pour s’en préserver, il vaut mieux que la porte soit blindée par tous les communistes.
Maintenant, tous les médias à qui l’on vend des publicité et offre des subventions, ils sont biens. Quand un fait divers malencontreux et pétainiste blesse une fillette de neuf ans devant les Tarterêts, ils disent toutes les vérités que la République doit à ses citoyens : « C’est les bandes », « c’est l’exclusion », « Ci la poulice ». La droite, le centre et la gauche, l’opinion tricolore en relief, black-blanc-beur qu’on vous dit. Ça c’est de la pluralité d’opinion, du journalisme d’information honnête qui va investiguer pour savoir si ce ne serait pas par hasard le « très contesté » flash-ball des flics qui aurait honteusement stigmatisé une gamine de neuf ans, alors qu’elle jouait paisiblement au milieu de l’incendie que les pompiers ont tenté d’éteindre, étrangement sous protection policière, ce qui n’est pas très respectueux et propice au dialogue, avant de se faire légitimement caillasser par des jeunes très sensibles et en colère de ne pas pouvoir s’exprimer pour dire combien ils apprécient les gigantesques plans d’aides lancés avec toute la générosité du législateur et tout l’argent des gros contribuables.
C’est qu’elle a son territoire, la République,
et qu’elle n’entend pas l’abandonner complètement, mais comme dans la réalité on ne rétablit pas encore l’ordre en jouant au football avec des émeutiers, on a doté les Compagnies républicaines de
sécurité de pistolets à eau, à bouchon, électriques, de matraques molles, d’un équipement de footballeur américain qui coûte cher aux gros contribuables mais qui permet à ses policiers de se
faire massacrer suffisamment sans trop mourir. C’est ça, la police de proximité. Elle reçoit des gros coups dans la gueule, mais il y a les jambières pour faire médiation entre la chevrotine et
la peau du flic.
Attention, c’est un gouvernement de droite dure qui commande, ils l’ont dit à la télé, si si, et même que la gauche le dit souvent, z’avez qu’à voir comment c’est vrai. Mais comme on est attaché à la liberté républicaine, on permet même à un fasciste comme Sarkozy de gouverner. Du moment qu’il est élu par la majorité. C’est beau, toute cette équité, cette éthique, le CSA, la polémique, l’opinion, le scandale, le dérapage, l’affaire machin… le député untel qui monte au créneau, bidule qui est vent debout contre chose, truc qui demande des excuses à ducon… C’est orgasmique, presque autant qu’un éditorial de Joffrin ou de Plenel.
Et la République, avec les millions d’euros des gros
contribuables, maintient en vie tous ses vieux journaux que personne ne lit, qui ne représentent que la caste qui se contente de suivre sans éclat la ligne du parti progressiste. Les journaux ne
fonctionnent plus parce qu’on les achète, en se basant sur un lectorat : ils sont devenus un couteux service public destiné à occuper l’espace, pour qu’on ait l’impression que les choses
fonctionnent, que le journalisme non-prostitué existe encore. Ne parlons pas des journaux locaux, totalement dépendants des collectivités qui, en cas d’insoumission, n’ont qu’à couper toute
communication, retirer annonces légales et publicités pour asphyxier le vilain petit canard. Pour survivre, la presse républicaine ne cherche plus un lectorat, elle se trémousse pour obtenir les
faveurs de la caste. Même chose pour les journaux en ligne dont le côté « dérangeant » est subventionné avec vigueur. Parce que sur Internet, des gens parlent librement, et du coup ont
l’air subitement beaucoup trop rebelles, en comparaison, pour ce que la République peut tolérer. Il est urgent de les récupérer et de les ramener du côté des bons révolutionnaires et des «
citoyens indignés ». C’est ça qu’ils pensent les Français indignés, si si, un sondage l’a démontré. Ils veulent de la justice sociale, une réduction des inégalités, un peu plus d’argent, un
peu moins d’impôts, davantage de sécurité, moins de flics, et aussi moins de riches et plus d’employeurs…
Voyez jusqu’où la République permet d’aller : le
plus martial et le plus sécuritaire de tous les candidats qui n’a jamais existé a pu parler de « kärcher » et de « racailles ». Incroyable, non ? Ça permet d’aller très loin
dans les mots la République. Et vous pensez qu’un type pareil mourrait pour Sevran ?
En général, tous les candidats à sa présidence promettent le changement et une nouvelle politique. Éventuellement de grandes réformes et une VIe… République. En général, on parle de refonte des institutions, de dépoussiérage de la fonction, d’assouplissement des administrations… Manière de dire qu’on change tout sauf le fond de la coquille.
Et c’est une manière de faire croire que l’on se bat contre un ordre établi. Ben oui, un régime né dans le sang du régicide et nécessairement soutenu par un troupeau majoritaire ne peut pas faire moins : la Révolution est continue. Faut que les Républicains d’aujourd’hui ait l’impression de lutter contre quelque chose, toujours, sinon y’a pas grande gloire que d’être républicain.
Après un si long règne, c’est un peu compliqué de donner l’impression de se battre contre l’ordre établi.
Mais la
République a trouvé l’astuce : elle se bat contre l’invincible, c’est-à-dire la nature et la réalité. Elle mène une croisade sans fin contre les différences, tout en prétendant le faire au nom de
celles-ci.
La méthode ? La parité, la discrimination positive ou les quotas (dans le bon sens, bien sûr : si vous parlez de quota à propos d’un sport où l’équipe nationale est constituée de 10 étrangers sur 11, vous aurez droit au pilori).
On célèbre tout le malheur que les Blancs ont fait peser sur toute la planète. On s’excuse et on répare. Et du coup, on accepte, on tolère et on accueille, la moindre des choses. Et puis on peut faire des décrets : La transexualité n’est plus une maladie mentale, l’homosexualité n’est plus une déviance. Tout le monde il a les mêmes droits. Les médias lancent l’idée, la font pénétrer par martèlement dans les cerveaux, puis les politiques font semblant de devoir s’en emparer pour l’entériner. Si vraiment les cerveaux sont rétifs, la fausse droite fait semblant de jouer les conservateurs sous les huées de la gauche, et on attend quelques mois avant de relancer le sujet. Histoire de donner l’impression aux électeurs qu’ils peuvent encore ralentir la chute.
Et si la nature et les réalistes ne veulent pas fermer leur gueule,
on se chargera de la leur fermer. La justice, séparée de l’exécutif (hu-hu-hu) applique docilement les lois égalitaires du législateur et punit seule comme une grande les peines décidées par
ledit séparé. Et pour appliquer le tout, il y a les renseignements, la surveillance numérique, la police… Sans parler des moutons zélés, qui adorent dénoncer, parce que c’est citoyen. Su-sucre.
Qu’est-ce qu’être républicain, sinon adhérer « aux valeurs » de la République, c’est-à-dire aux droits de l’homme, donc à l’égalité ? Être républicain, c’est être de gauche. On en revient à l’égalité. L’égalité, c’est forcément la démocratie. Après moult promesses individuelles, on additionne des millions de voix égales et c’est celui qui a le plus de cons derrière lui qui gagne le droit de diriger le collectif.
La démocratie, fer de lance de la République… Dans les urnes, un gros débile vaut un génie. C’est beau. Les gens ils aiment ça, ils s’en rengorgent, de leur devoir de citoyen, ils aiment dire avec importance que des gens sont morts pour ça, comme on dit à un gosse que les petits noirs aimeraient eux aussi pourvoir manger des épinards. Ils savent que c’est la plus grosse meute qui a raison, et comme ils veulent le plus avoir raison, ils votent pour celui qui a le plus de chances d’avoir raison. C’est pour ça qu’on les sonde bien profondément.
Ils savent que la démocratie est là pour élire des représentants, représentants de la République fantasmée, c’est-à-dire des minorités imaginaires ou réelles, qui n’ont pas les moyens d’accéder seules à la représentation.
Cela nous donne une Dati, ex-ministre et garde des sceaux niveau
maîtrise à l’arrache, nommée partout depuis toujours uniquement parce qu’elle est une Arabe, qui se révolte comme un vulgaire Kurde en transit parce que Fillon envisage de se présenter sur sa
circonscription, celle qu’on lui a donné, alors qu’on y avait promu selon elle « le féminisme et la diversité ». C’est bien ça, la démocratie. Les électeurs doivent l’aimer parce qu’elle
est représentative. Oh, certainement pas d’eux, mais ce n’est pas grave : on ne leur demande par leur avis, on leur demande leur bulletin.
Et ils savent qu’ils se font enfiler chaque année
par des grotesques promesses, mais ils retournent, fidèles aux mêmes, comme un client honteux mais qui à ses habitudes avec un laideron, un client qui regrette après le coït mais qui sait qu’il y
reviendra ardemment, régulièrement, comme à chaque fois. Et n’allez pas croire que les gens votent selon leurs petites préoccupations du moment, non, ils pensent en terme d’intérêt général, c’est
bien connu, comme les politiques qui s’offrent à leur suffrages, pour devenir les riches esclaves d’une putain qu’on nomme opinion publique…
Vraiment, c’est beau, la République.
Commenter cet article