La sœur de Samuel Paty lance un appel pour nommer des rues au nom de son frère
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Cela fera bien trois ans que Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a été assassiné. À la sortie des cours, l’enseignant de 47 ans était en effet poignardé puis décapité, le 16 octobre 2020, par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène. La raison ? Samuel Paty avait montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves, suscitant l’ire des plus radicaux d’entre eux.
Deux ans plus tard, rien ne semble vraiment avoir changé. L’Éducation nationale se porte au plus mal et rencontre une multiplication des atteintes à la laïcité. Les professeurs sont muselés, les tenues à caractère religieux fleurissent dans les établissements scolaires et le nom de Samuel Paty est prononcé à mi-mot par peur de la polémique.
Certains, pourtant, refusent que le nom du professeur assassiné sombre dans l’oubli. C’est le cas de sa sœur, Mickaëlle Paty, qui n’a de cesse de raviver la mémoire de son frère. Le mardi 12 juin, celle-ci publiait ainsi une lettre ouverte dans Marianne afin d’inciter tous les maires de France à baptiser une rue de leur commune au nom de son frère. « Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté […] Créer des lieux de mémoire appelle à se souvenir en sacralisant la victime avec une émotion immatérielle et partagée qui encourage à l'unité. Ces rues, ces établissements et tous autres lieux qui porteront prochainement le nom de Samuel Paty seront les vecteurs matériels pour annihiler l'acte barbare qu'il a subi », implore-t-elle.
L’idée n’est pas nouvelle. Un an après la mort du professeur, une plaque était inaugurée à sa mémoire : le square en face de la Sorbonne, à Paris, était renommé « square Samuel-Paty », et le texte indiquait « Victime du terrorisme islamiste ». Une précision mal vue par certains, qui dégradèrent la plaque deux mois après sa pose afin d’y faire disparaître le mot « islamiste ». La plaque était rénovée peu de temps après.
La plaque Samuel Paty, victime du terrorisme, a été dégradée. Les agents de la Ville ont remis la plaque en état ce matin. Cet acte est inacceptable, @Paris portera plainte. pic.twitter.com/iNgP6k3VCB
— Emmanuel Grégoire (@egregoire) December 21, 2021
Cela ne suffit pas pour décourager l’Institut universitaire technologique (IUT) de Tourcoing, qui renommait un amphithéâtre « Samuel Paty » moins d’un an plus tard. Au même moment, une école élémentaire de Montpellier choisissait de prendre le nom de « Lucie Aubrac-Samuel Paty ».
Si ces gestes semblent couler de source, on découvre en réalité qu'ils ont nécessité du courage, au vu des réactions bien plus circonspectes de la part de certains. À commencer par la ville même où s'est produit le drame. Sur le fronton du collège, nul souvenir du professeur assassiné, dans les rues, aucune plaque, aucun monument pour rendre hommage à un enseignant pourtant si apprécié de ses élèves. Paul Marion, 26 ans, président des Amis de Samuel Paty et ancien élève du lycée, témoigne auprès de Marianne s'être battu pour renommer le collège au nom de Samuel Paty. Aucune suite pour l'instant, il raconte avoir été informé que le sujet était, pour l'heure, « trop sensible ». Une excuse qui ne le convainc pas : « C'est la peur qui prend le dessus pour qu'on nous dise que c'est impossible : il ne faudrait surtout pas installer une cible sur l'établissement », déplore-t-il. Dans le Var, même scénario : le maire d'Ollioules, qui proposait que le collège Les Eucalyptus prenne le nom du professeur, s'est finalement heurté au refus de enseignants, des parents d'élèves et des collégiens de l'établissement, effrayés de devenir des « cibles ». Que ce soit pour les noms de promotions ou pour les établissements scolaires, les exemples de reculades sont multiples : rares sont ceux qui osent rendre hommage à cette victime du terrorisme islamiste, par crainte des représailles.
Gageons que la saine initiative de Mickaëlle Paty soit enfin suivie d'effets et que la mémoire de ces victimes soit préservée afin qu'une seconde mort ne leur soit pas imposée.
Marie-Camille Le Conte
Source : http://bvoltaire.fr
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