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Le blog politique de Thomas JOLY

Procès des Barjols : du bon usage de la menace d’extrême droite en France

18 Janvier 2023, 07:14am

Publié par Thomas Joly

Tremblez, bonnes gens ! L’extrême droite menace la France. La preuve ? Le tribunal correctionnel de Paris se penche, ce mardi 17 janvier et jusqu’au 2 février, sur les complots filandreux de treize militants d’extrême droite qui auraient voulu déstabiliser l’État. En 2018, la DGSI aurait appris qu’un certain Jean-Pierre Bouyer, âgé de 62 ans, préparait « une action violente » contre le président de la République. Placé sure écoute, il se révèle raciste, anti-macroniste et... fort en gueule. La Justice lance des poursuites pour association de malfaiteurs terroristes criminels avant de descendre d’intensité. Faute d’éléments suffisants, le juge requalifie les motifs de la poursuite en association de malfaiteurs terroriste, la peine encourue atteint dix ans maximum.

Pourquoi avoir descendu l’échelle des poursuites ? D’abord parce qu’ils en sont restés à un racisme de bas étage et des intentions ronflantes sans commettre de délit, apparemment. Et surtout parce que nos apprentis terroristes ont tout de même l’air un peu… fadas. Placés sur écoute, ils parlent beaucoup, à tort et à travers, qualifient Macron de « petit dictateur hystérique », évoquent « l’envie de tuer », collectionnent de la documentation pro-nazie et cherchent sur le Web le mode d’emploi des explosifs. Mais côté passage à l’acte, concrètement ? L’instruction évoque un couteau en céramique sensé occire le chef de l’État, mais ledit couteau reste introuvable. Ils ont prévu d’attaquer l’Élysée « accompagnés de 500 soldats russes, de policiers et de militaires dissidents », a lu Le Figaro dans le dossier. Bon… Ils ont aussi prévu d’emmener une députée dans les bois, de l’y déshabiller et de l’abandonner là.

Abus d’alcool ou de substances ? Le juge dira les charges qui pèsent contre cette obscure bande de zozos dont on parle curieusement beaucoup. Le dossier a opportunément fuité dans la presse. Comme si quelqu’un voulait amplifier l’écho médiatique de ce complot foutraque auprès d’une opinion affolée par l’accumulation de meurtres atroces, bien réels ceux-là, qui agite l’actualité : ils vont du massacre de la petite Lola qui aura traumatisé la France à celui d’Axelle Dorier, morte en juillet 2020 à Lyon après avoir été traînée sur plus de 800 mètres à Lyon par deux chauffards « issus de l’immigration ». Hasard ? Le procès de ce drame s’ouvre aussi ce 17 janvier.

S'agirait-il de gérer l'opinion ? Une opinion qu'on n'a pas saturée des 120 coups de couteau, bien réels ceux-là aussi, portés chaque jour en France. Pour l’exprimer simplement, on est en droit de se demander si le pouvoir ne nous la gonflerait pas un peu à l’hélium, cette menace de l’extrême droite. Et pourtant, il existe bien une menace. Dans une note du 2 janvier 2023 sur l’état de la menace terroriste en France sous-titrée « La menace djihadiste en France a évolué », la DGSI rappelle que, depuis 2012, les attentats terroristes ont causé en France la mort de 271 personnes et fait presque 1.200 blessés. Cette note récente ne fait, par ailleurs, aucune allusion à une menace pressante de l’extrême droite. Et situe bien le risque... islamiste : « La prise en charge des détenus terroristes islamistes, en détention et à leur sortie, constitue également un enjeu sécuritaire majeur. Avec quelque 300 individus actuellement incarcérés pour des faits de terrorisme et plus de 270 individus libérés entre 2020 et 2022, la menace potentielle portée par les détenus et anciens détenus est au cœur des préoccupations de la DGSI. »

Mais voilà, le spectre de cette extrême droite prête à bondir a deux vertus : il permet de jouer les amalgames en expliquant à quel point Le Pen et Zemmour sont dangereux, puisqu’ils sont eux aussi, comme les fadas des Barjols, d’extrême droite. Toujours bon à prendre quand la droite grimpe dans les sondages et que la Macronie patine. D’autre part, la manœuvre permet de renvoyer les méchants dos à dos : extrême droite et islamisme, même horreur. La politique facile.

Sur cette base, le ministre de l'intérieur s’agite. Il a dissous les Zouaves, l’Alvarium, un groupe d’Angers dont personne n’avait jamais entendu parler jusque-là, et Génération identitaire. Autant d’organisations groupusculaires vierges de tout attentat et même de tout projet d’attentat.

Le coup est vieux comme la politique : faire surgir une vraie-fausse menace pour en tirer un profit politique.

La méthode fut jouée avec talent par Mitterrand. Quelques jours avant l’attentat de l’Observatoire, dont il accusera l'extrême droite, L’Express avait raconté une étrange histoire. Des tueurs auraient franchi les frontières de l’Espagne de Franco pour agir en France. Ils auraient une liste de personnalités à abattre. Derrière eux, bien sûr, l’extrême droite. Dans son livre Croquis de mémoire, Jean Cau, l’écrivain et ancienne plume de L’Express, raconte comment il avait « déjà écrit un article où, téléguidé par Mitterrand, j’annonçais quelles calamités allaient s’abattre sur la France : les paras tomberaient du ciel, des nervis qui déjà rôdaient dans l’ombre prêts à occire la République, des complots partout ourdis ». Titre de l’article : « Les assassins sont parmi nous ». Grrr... François Mitterrand avait préparé l’opinion.

Rien n'a changé, mais la situation est plus grave. Pendant que Darmanin s'agite autour des complots de l'extrême droite, d'autres tuent vraiment.

Marc Baudriller

Source : http://bvoltaire.fr

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