L’électeur macroniste est vieux, riche, heureux, mais il a une faille …

Une étude très sérieuse de la fondation Jean-Jaurès et du CEVIPOF réalisée par Ipsos et publiée par Le Monde vient le confirmer plus d’un an après la victoire d’Emmanuel Macron aux présidentielles et aux législatives : l’électeur macroniste est plus âgé, plus riche, plus diplômé et plus optimiste que ceux des autres familles politiques. Ils sont, ainsi, 58 % à avoir le sentiment d’avoir réussi leur vie – un fort taux corrélé à leur âge : il est normal que ceux qui n’ont pas encore achevé leur vie professionnelle nourrissent quelques inquiétudes pour sa suite – mais, aussi, 60 % à estimer que la démocratie fonctionne bien en France, contrairement au reste des Français (28 %). Un score compréhensible puisque la démocratie leur a donné satisfaction, mais tout de même étonnant quand on sait que les députés élus en juin 2017 l’ont été avec une abstention majoritaire historique de plus de 50 %. Ces gens que l’on dit plus diplômés que les autres ont bien dû s’en apercevoir ?
Cette enquête met donc en évidence une grande homogénéité sociologique et idéologique de l’électorat macroniste, ou plus exactement des sympathisants, quelle que soit, d’ailleurs, leur coloration politique d’origine. Majoritairement socialistes en 2017, ils sont aujourd’hui plutôt centristes et libéraux : c’est le fameux glissement à droite. Mais le profil reste identique : les plus de 64 ans sont surreprésentés (+6), ainsi que les catégories aisées. Les cartes électorales des présidentielles l’avaient déjà montré. Cette homogénéité constitue indéniablement une force pour ce courant politique, ainsi que son emprise sur l’électorat senior : c’est une catégorie nombreuse, fidèle et qui vote beaucoup plus que la moyenne. Et l’abstention est toujours le meilleur allié d’Emmanuel Macron, grossissant mécaniquement le poids de ses soutiens âgés.
Mais le noyau dur du macronisme présente aussi quelques faiblesses que devraient méditer ses adversaires de droite.
D’abord, comme le disait Christophe Barbier pour les retraités mécontents de la hausse de la CSG : « D’ici 2022, beaucoup de retraités seront morts. » Désolé d’être aussi inélégant que le macroniste à l’écharpe rouge, mais cela fera aussi beaucoup d’électeurs de Macron. Ensuite, les nouveaux retraités, avec des pensions toujours réduites par les réformes successives, seront de moins en moins aisés. Et de moins en moins macronistes.
Autre faiblesse : l’enquête montre qu’en fait, actuellement, les Français se sentant proches du macronisme ne sont que… 14 %, autant que LR, à peine plus que le RN (13 %), 9 % pour le PS, 7 % pour LFI, 25 % ne se sentant proches d’aucun parti. C’est une base très étroite, et soumise à forte concurrence.
Mais outre ces faiblesses, l’électorat et les sympathisants macronistes, malgré leur homogénéité, sont traversés par une faille majeure sur une question, qui est, comme par hasard, LA question qui structure le débat politique en France et en Europe : l’immigration et l’islam. À la question « Y a-t-il trop d’immigrés en France ? », les sympathisants macronistes répondent oui à… 37 %, ce qui est considérable. Surtout si l’on précise que 28 % n’ont pas encore d’opinion sur le sujet ! De même, quand on leur demande si « l’islam représente une menace pour l’Occident », ils sont alors 44 % à répondre positivement.
La vie politique est une histoire de vases communicants et de siphonnage. Emmanuel Macron n’a rien fait d’autre que cela. On ne voit pas pourquoi la droite se gênerait pour faire éclater un électorat macroniste en fait très fragile : certes, ces seniors sont heureux et ont réussi leur vie, mais ils ne pourront plus très longtemps se cacher à eux-mêmes la peur qui les taraude déjà. Car cette peur n’a rien d’irrationnel : chaque jour qui passe leur apporte une nouvelle preuve de sa réalité.
Frédéric Sirgant
Source : http://bvoltaire.fr
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