Vers une pénurie de viande bovine ?
Dans la litanie des fondations de la maison France qui craquent, quelque part entre la baguette, la culture classique, les églises et les vergers, il faudra peut-être ajouter nos vaches et nos éleveurs. Je suis encore loin de la retraite et j'ai pourtant connu les villages des Pyrénées et du Cantal traversés par nos amies les vaches. Aujourd'hui, vous pouvez traverser un département rural sans rencontrer un seul troupeau. Où sont les vaches ?
Mais depuis quelques jours, les médias consentent enfin à se pencher sur le sort de nos éleveurs et de leurs troupeaux qui fondent à vue d'œil. En dix ans, le cheptel français a été réduit de 11 % et, selon l'Institut de l'élevage, la France a perdu 837.000 bovins depuis 2016, dont 500.000 vaches allaitantes. Je me suis d'abord dit : tiens, la faute aux végétariens, moins de demande, donc nos éleveurs ont réduite la voilure. Que nenni : les importations de viande étrangère ont bondi de 6 % dans le même temps ! Toujours la même chanson : moins chère car soumise à moins de contraintes. Et donc de moindre qualité. Merci, l'Union européenne !
Mais alors, pourquoi nos éleveurs ne parviennent-ils pas à répondre à cette demande qui résiste ? En cause la faible rentabilité de l'élevage, s'il n'est pas couplé à d'autres formes d'agriculture. En cause, aussi, les lourds investissements nécessaires. Mais surtout la faible attractivité d'une profession qui est un véritable sacerdoce, qui ne connaît ni les 35 heures ni les vacances ni les week-ends. Les éleveurs qui partent à la retraite peinent à trouver des repreneurs, comme Jean-Luc Boujon qui a confié à Europe 1 : « J'avais un petit jeune qui sortait des écoles et qui était intéressé. Mais il a préféré ne pas s'engager. Il souhaite garder un statut de salarié parce que sinon, il a peur que ça le plombe pour débuter sa vie… » Tout est dit.
Même France Culture s'est émue de cette mauvaise pente et a demandé à l'ingénieur Patrick Veysset, agro-économiste à l’INRAE, quelle solution innovante et adaptée à la transition environnementale était possible : « Aujourd’hui, l’engraissement des cheptels se fait aux céréales et au soja. Mais la filière gagnerait à changer de méthode et à opérer une transition vers de l’engraissement à l’herbe. » Avec, à la clef, « une mise en valeur d’un territoire du Massif central exclusivement couvert d’herbes et de forêt ou aucune autre alternative agricole n’est possible, et une sécurité alimentaire grâce à l’autonomie en viande et grâce à la réduction d’utilisation de céréales indispensables à la nourriture humaine. »
Cet intérêt nouveau des médias pour l'élevage, qui est aussi l'un des piliers de notre souveraineté, loin des oukases et des excès des commandos vegan qui s'en prenaient aux boucheries, est bienvenu. Bienvenue, aussi, l'ouverture des agriculteurs aux questions soulevées par le changement climatique, comme le montre, entre autres initiatives, la conférence de Jean-Marc Jancovici organisée par les Jeunes Agriculteurs de l'Aveyron, en 2021. Ou l'arrivée, sur les réseaux sociaux, d'éleveurs populaires comme Cédric, du Cantal, avec qui vous pouvez suivre les vêlages, la construction d'une stabulation ou son activité selon les saisons.
Petite vidéo en 2 partie pour vous expliquer ce que je fais aujourd'hui pic.twitter.com/j34j9118Dd
— Cédric (@agric15) February 3, 2023
De même qu'il faut sauver nos boulangers et nos arboriculteurs, il faut sauver nos éleveurs. L'enjeu est tout autant économique que patrimonial.
Frédéric Sirgant
Source : http://bvoltaire.fr
Commenter cet article