Inflation : derrière la fermeture de restaurants étoilés, le martyre des brasseries de campagne…
Les restaurants souffrent. Des plus sélects aux plus modestes. Certains en sont même réduits à mettre la clef sous la porte, tel le chef Adrien Soro, patron étoilé de La Meynardie, à Paulin, en Dordogne. Pourtant, son établissement, fort de ses dix-sept salariés, affichait complet midi et soir. Et malgré un chiffre d’affaires en constante augmentation, sa banque a courageusement décidé de le lâcher.
En cause ? L’explosion des coûts de l’énergie et des matières premières, mais qui ne nous tombe pas exactement de la Lune, étant plutôt le fait d’une incurie politique devenue la règle depuis tant de décennies : démantèlement de notre parc nucléaire rendant l’énergie électrique de plus en plus chère, sanctions économiques irresponsables contre la Russie – ce, bien avant la guerre contre l’Ukraine – ayant entraîné la hausse du prix du gaz et la ruine de tant de nos paysans qui exportaient, jusque-là, leurs produits au-delà de l’Oural.
Cette incurie des gouvernants, c’est désormais aux gouvernés de la payer au prix fort. La preuve par l’article de CNews plus haut évoqué. Lequel ne devrait pourtant pas faire oublier que la faillite du restaurant concerné ne représente malheureusement que l’arbre dissimulant la forêt. En effet, si les petites et moyennes entreprises demeurent le principal employeur de France, il va de même de la restauration, majoritairement composée de brasseries anodines qui n’auront jamais les honneurs des médias en cas de fermeture.
Le patron d’un petit restaurant ouvrier du sud des Yvelines nous confie : « Nos marges de manœuvre sont encore plus limitées que celles de nos confrères travaillant dans le haut de gamme. La hausse des matières premières et de l’énergie est, certes, la même pour tout le monde, mais notre clientèle est autrement moins huppée, car principalement composée d’artisans travaillant sur les chantiers. Avec eux, la quantité doit être au rendez-vous, sachant qu’ils sont avant tout là plus pour se caler que pour déguster. »
Il est vrai qu’on ne verra jamais, dans ce genre d’établissement, une noix de tournedos encerclée de trois rondelles de carottes et d’arabesques de vinaigre balsamique. Il faut du lourd. Le steak doit en imposer et les frites servies en abondance, surtout quand il fait froid sur les chantiers. Et notre homme de poursuivre : « La crise frappe malheureusement aussi les clients. Celui qui prenait autrefois le menu à quinze euros se contente désormais souvent d’un sandwich. Pour se caler, une fois encore. »
Parvient-il encore à s’en sortir ? Vaille que vaille, oui. « Nous réduisons nos marges au maximum. Si nous augmentions nos tarifs, les clients ne comprendraient pas. Surtout qu’il s’agit d’une clientèle d’habitués, au contraire de ces restaurants chics où l’on se rend une fois l’an. »
Dans ce métier se pose aussi la question du personnel, de plus en plus difficile à trouver, mais qu’il est impossible d’augmenter : « On aimerait bien les payer plus. Mais avec quoi ? Il faudrait au moins qu’on allège nos charges, mais cela ne paraît pas être à l’ordre du jour. Et puis, il faut encore savoir autre chose. Autrefois, les serveuses arrivaient à ne vivre que sur les pourboires et plaçaient leur salaire sur un compte d’épargne. Mais avec la carte bleue, rares sont les clients à rajouter un petit quelque chose pour le personnel. »
Il n’est pas besoin d’insister beaucoup pour que notre interlocuteur lâche ce qu’il a sur le cœur : « Voilà des années qu’on sacrifie les bistrots et les restaurants de campagne. L’interdiction de fumer nous a fait perdre un tiers de notre clientèle. Et ceux qui persistent à venir consomment de moins en moins. Les députés des grandes villes qui font les lois ne peuvent pas comprendre ça. Eux, s’ils ont bu un verre de trop, ils rentrent en taxi. Chez nous, ils perdent leur permis et se retrouvent au chômage. Résultat, un café ferme tous les jours dans la France des oubliés. »
Ces choses dites, l’homme repart essuyer ses verres, tentant de masquer sa colère. Jusqu’à quand ?
Nicolas Gauthier
Source : http://bvoltaire.fr
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