Quand Emmanuel Macron joue au Conseil national de la Résistance…
Si Jean-Luc Mélenchon a innové en déposant le brevet du candidat en forme d’hologramme, Emmanuel Macron continue de faire honneur au savoir-faire français en marchant dans ses pas : il se comporte désormais en président fantôme. Ainsi vient-il d’annoncer, à grand renfort d’entretiens accordés à la presse régionale, la création d’un « Conseil national de la refondation », faisant écho au fameux Conseil national de la Résistance. Il fallait oser. Il a osé.
Verbatim : « Nous vivons un état comparable. Nous sommes dans une ère historique qui impose de changer profondément de modèle, et puis la guerre est là. » (Ouest France, 3 juin) Comme on dit, dès que l’histoire fait mine de repasser les plats, on constate généralement que la comédie succède à la tragédie. Un déficit de sens que vient tôt pallier cette inflation sémantique devenue chez Macron une marque de fabrique : n’étions-nous pas déjà, Jupiter dixit, « en guerre contre le Covid » ?
Certes, il y a la guerre en Ukraine, à nos portes. Mais, finalement, pas plus lointaine que celle de Serbie quand, déjà, les armées de l’Otan s’autorisaient à bombarder Belgrade, au nom du droit du peuple kosovar à demeurer maître de son propre destin. Ce « destin » ne vaut manifestement pas pour des russophones de l’Est de l’Ukraine qui regardent pour certains plus du côté de Moscou que de Kiev. Ces faits rappelés, on notera que cette crise devenue internationale ne se traduit chez nous que par une possible pénurie de gaz, de pétrole et de certains produits de première nécessité, telles les nouilles ou la moutarde. Nous sommes donc loin de l’apocalypse que fut le dernier conflit planétaire. Et à ce titre, il peut paraître pour le moins obscène d’enrôler de force les tragédies d’antan pour sauver son actuel slip électoral. Surtout pour aboutir à un effet d’annonce dans lequel il y a plus d’effet que d’annonce.
Ainsi, le prochain CNR devrait-il être composé de « représentants des forces politiques, économiques, sociales, associatives, ainsi que d’élus de terrain et de citoyens tirés au sort. » Charles Maurras appelait ça le « pays réel » ; le général de Gaulle, le Conseil économique et social, devenu de plus « environnemental », la mode du moment aidant. Et Sophie Coignard du Point (7 juin), de noter cruellement : « Sous prétexte de faire du neuf, est-il bien raisonnable d’engendrer une copie presque conforme de l’existant ? » De son côté, François-Xavier Bellamy, député européen LR, n’a pas eu tort d’ajouter, samedi 5 juin sur franceinfo : « Emmanuel Macron est à deux doigts d’inventer l’Assemblée nationale »…
Si ce nouveau comité Théodule venait à voir le jour, de quoi y débattrait-on ? Du pouvoir d’achat, de la réforme des retraites, de l’écologie, des services publics et du prix de l’essence ; bref, des sujets relevant des ministères compétents ou du Parlement censé légiférer sur ces questions. En des temps favorables aux simplifications administratives et à la taille des mille-feuilles bureaucratique, il n’est pas sûr qu’ajouter une énième couche de ronds-de-cuir puisse faire figure d’initiative intelligible par le commun.
Ce faisant, Emmanuel Macron prend un autre risque : si la situation en France est si grave et qu’il faille lui confier encore un nouveau levier de pouvoir pour la redresser, c’est qu’il en est aussi un peu responsable. Car si nous sommes dans un quasi état de « guerre », pour reprendre ses propres mots, ne serait-ce pas, une fois encore, aussi un peu de sa faute ?
Il est vrai qu’Emmanuel Macron ignore tout du tragique de la marche du monde, chose qu’on n’enseigne pas dans les grandes écoles dont il est le strict produit. À sa décharge, il fait partie de cette génération de dirigeants qui n’a pas connu les deux conflits mondiaux, encore moins ceux d’Indochine et d’Algérie et qui n’a même pas fait son service militaire… Pour tout arranger, il n’a pas d’enfant. Donc rien à transmettre, si ce n’est un égo en forme de Zeppelin…
Nicolas Gauthier
Source : http://bvoltaire.fr
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