Place Beauvau, c’est l’inquiétude : les jeunes policiers ne savent pas se tenir, et on voit proliférer tatouages, piercings, barbes, moustaches et cheveux longs. À tel point que le ministère de l’Intérieur souhaite, selon un document de travail interne dévoilé par rtl.fr, rappeler à l’ordre les fonctionnaires.
Amusons-nous à poser une question à l’homme de la rue : un policier tatoué ou affublé d’un piercing vous choque-t-il ? Il y a fort à parier que la majorité répondra par l’affirmative. Nos concitoyens sont, évidemment, sensibles à ce que ceux qui incarnent l’autorité de l’État soient propres, bien coiffés et ne ressemblent pas aux individus de mauvaise compagnie qu’ils ont pour mission d’empêcher de nuire.
Mais la seconde question sera beaucoup plus intéressante : comment justifier que des policiers ne bénéficient pas de la liberté accordée à chacun d’arborer le look qu’il souhaite. Et là, nous risquons d’entendre tout et n’importe quoi, dans un fatras de réponses embarrassées. Et on peut le comprendre : quand les professeurs de nos enfants s’habillent comme leurs élèves, quand les journalistes de la télévision ignorent ce que signifie une tenue correcte, quand le chef de l’État lui-même est incapable de porter un costume bien taillé, cravate droite et pantalon au pli impeccable, pourquoi refuser au flic de la rue la possibilité de porter catogan, anneau nasal ou diam’s à l’oreille ?
La réponse du ministère tient en quelques lignes bien pauvres : les policiers doivent se soumettre aux bases du code de déontologie. L’impartialité, la dignité et la neutralité. Les signes pouvant laisser apparaître l’appartenance à une organisation politique, syndicale ou confessionnelle devraient être ainsi bannis. C’est un peu court ! Porter des cheveux longs n’est finalement qu’un choix personnel qui ne manifeste aucune appartenance politique. Orner son avant-bras d’un tatouage en forme de cœur ne révèle aucune appartenance politique, syndicale ou confessionnelle. Quant à la barbe, l’histoire nous montre qu’elle fait partie de ces fameuses « valeurs de la république » ! Tous les fondateurs du régime la portaient fièrement, de Jules Ferry à Alexandre Millerand. Alors ?
Alors la question, qui peut sembler futile, relève tout simplement de ce relativisme absolu qui nous est imposé depuis des décennies comme une norme indépassable. Le seul mot d’ordre de notre société est « pas de contrainte ». La liberté étant, dans sa définition républicaine, le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, il devient impossible d’empêcher quiconque, fût-il représentant des forces de l’ordre, de s’enlaidir à dessein.
En réalité, si le sens commun saisit parfaitement pourquoi il est normal d’imposer à ces hommes et à ces femmes une tenue impeccable, aucune norme ne peut s’imposer à eux, à l’exception de celle que justifieraient des impératifs de sécurité, de salubrité ou de reconnaissance de la fonction par l’habit. Rien de plus, rien de moins.
C’est ainsi que, si les juges doivent porter la robe parce qu’elle signifie qu’ils habitent leur fonction et que l’homme privé devient, au travers du vêtement, un magistrat impartial, rien ne permet de leur imposer de la porter « proprement ». Et l’exemple peut être multiplié : combien d’avocats mal rasés à l’audience, au piercing agressif ou à la propreté douteuse ? Combien de salariés à l’apparence négligée ? Combien d’ecclésiastiques habillés comme n’importe qui ?
Revenir au sens commun, c’est affaire d’éducation, de respect d’autrui, de retenue instinctive. La personne en relation avec d’autres n’impose pas à eux par son apparence, son mode de vie et ses choix personnels. À une époque qui ne parle – à tort et à travers – que de laïcité, laisser ses excentricités vestimentaires au vestiaire semble impossible. N’allons pas pleurnicher ensuite sur le manque de respect…
Source : http://www.bvoltaire.fr