Il existe parfois des informations à mettre en perspective, surtout lorsque révélées à seulement quelques jours d’intervalle. Ainsi, cette vidéo de George Friedman, directeur de la société Stratfor, sorte de « CIA de l’ombre », et qui explique publiquement l’ancestrale stratégie de la Maison-Blanche : « Comment atteindre les buts sans risque ? Si c’est impossible, quel taux de risque peut-elle ou doit-elle accepter ? En ce sens la stratégie étatsunienne doit viser à l’équilibre des forces dans la région, en utilisant les alliés sur place et en leur donnant le soutien matériel, tout en évitant l’engagement militaire direct, car il n’y a pas d’autre choix. » Voilà qui est tout particulièrement vrai pour l’Ukraine.
Et ce dimanche dernier, qu’apprend-t-on dans Le Journal du dimanche ? La nomination de Mikhaïl Saakachvili, ancien président géorgien, et plus qu’américanophile, à la tête de la région d’Odessa, en Ukraine ; zone d’autant plus à risques qu’elle est largement russophone… Pour l’occasion, il aurait été, à la sauvette, naturalisé ukrainien. D’où ce tweet ironique de Dmitri Medvedev, le Premier ministre russe : « Saakachvili à la tête de la région d’Odessa. Le cirque continue. Pauvre Ukraine… »
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le gouvernement ukrainien fait appel à l’étranger. En décembre dernier, à la suite des élections législatives d’octobre, Petro Porochenko, le très contesté président ukrainien, recrutait trois ministres venus de l’étranger :
• Au ministère des Finances : Natalia Iaresko, Américaine d’origine ukrainienne, ayant auparavant fait carrière à Washington, au département d’État.
• Au ministère de l’Économie, Aïvaras Arbomavitchous, Lituanien, ancien joueur de basket, mais surtout connu pour avoir longtemps travaillé pour East Capital, fonds d’investissement américain.
• Au ministère de la Santé, Sandro Kvitachvili, un Géorgien qui occupait, il y a peu, le même poste à Tbilissi.
Il est vrai que les patriotes ukrainiens, les vrais, ont échappé au pire ; soit la nomination, en tant que conseiller spécial au gouvernement de Kiev, de Carl Bildt, ancien Premier ministre suédois, et de John McCain, candidat malheureux à l’élection présidentielle américaine de 2008. Lequel, emporté par son enthousiasme, affirmait pourtant : « Je suis profondément honoré. Je dois faire en sorte que cette mission respecte les règles du Sénat. […] Je serai toujours aux côtés de l’Ukraine libre. » Las, Barack Obama ayant dû estimer que la manœuvre dépassait tout de même les limites de la décence, John McCain qui, lors de la révolte de Maïdan, fut filmé en train de haranguer la foule sur la Place de l’Indépendance de Kiev, a depuis été renvoyé à ses chères études.
Mais, pour une fois, soyons fiers d’être Français. Car dans cette compétition à la soumission, l’un des nôtres n’est pas en reste, à en croire le quotidien Libération : c’est Raphaël Glucksmann, fils d’André Glucksmann, maoïste ayant viré néo-conservateur, que l’on retrouve « quelques années plus tard en Géorgie où il croise le président Saakachvili, qui l’engage comme conseiller ». Toujours selon ce quotidien : « C’est à Tbilissi qu’il rencontre sa future femme, Eka Zgouladze, ministre de l’Intérieur. […] Mais, en 2012, c’est la claque : le parti présidentiel est balayé aux élections par une formation populiste et conservatrice. » D’où ce terrible constat, dressé par le jeune Raphaël : « On n’a rien vu venir. On s’adressait aux citoyens comme à des actionnaires d’une entreprise nationale, alors que nos adversaires parlaient à leurs âmes. » Tel père, tel fils…
Eh oui, jeune homme : l’âme russe ne saurait être cotée en Bourse. À chacun ses valeurs, après tout.
Source : http://www.bvoltaire.fr