En 10 ans, de 2003 à 2013, plus de quatre millions d’exploitations agricoles ont été rayées de la carte de l’Union européenne, a révélé le 26 novembre l’organisme européen de statistique Eurostat. En 10 ans, ce sont 27,5 % des fermes du Vieux Continent qui ont disparu. Et comme la superficie agricole utilisée (SAU) reste stable avec 174,6 millions d’hectares, c’est la surface moyenne des exploitations existantes qui a augmenté dans la même période. Elle a explosé de 38 %, passant de 11,7 hectares en 2003 à 16,1 hectares en 2013. Naturellement, il existe de très grandes disparités entre les pays et, au sein même des pays, entre les différentes régions. Ainsi, la taille moyenne des fermes françaises est passée de 45,3 hectares en 2003 à 58,6 hectares en 2013, soit une augmentation de 29,35 % – un peu moins que la moyenne européenne. Ainsi, la France (27,76 millions d’hectares) et l’Espagne (23,39 millions d’hectares) couvrent-elles, à elles deux, près du tiers de la superficie agricole européenne – 29,29 % exactement.
Mais, au-delà de ces statistiques plutôt arides, Eurostat reste muet sur les causes de cette mort silencieuse. Au lecteur, donc, de tirer les enseignements d’une telle hémorragie. Pourquoi en est-on arrivé là ? Plusieurs facteurs concourent à expliquer ce phénomène qui risque de prendre de l’ampleur dans les prochaines années.
Premier de ces facteurs : l’adaptation des pays de l’Europe de l’Est nouvellement intégrés en 2004 (Chypre, Pologne, République tchèque, Slovaquie) et en 2007 (Bulgarie, Roumanie). Il leur a fallu s’adapter aux critères et aux normes européens. Les moins solides, les agriculteurs qui n’avaient pas les moyens de s’adapter, ont disparu et le mouvement de concentration des exploitations s’est intensifié. C’est ainsi que 41 % des exploitations ont disparu en Roumanie entre 2007 et 2013 et que la République tchèque trône aujourd’hui à la première place européenne en termes de taille moyenne par exploitations : 133 hectares.
Deuxième facteur : le besoin de compétitivité face à l’accroissement naturel de la population pour répondre à la demande alimentaire de base. Cette donnée réclame une nécessaire modernisation de l’outil agricole pour gagner en productivité et appelle, là encore, à consentir des efforts financiers que seuls les plus importants parviennent à fournir. Il faut toujours que les agriculteurs produisent plus et moins cher, en assurant un minimum de qualité sanitaire.
Troisième facteur : la pression des industries agroalimentaires sur les producteurs. C’est le corollaire du deuxième facteur. La filière agricole, notamment pour les filières animales, est de plus en plus intégrée dans le système agroalimentaire. Les éleveurs travaillent directement pour des entreprises et des coopératives qui leur fixent un cahier des charges et, surtout, imposent le prix d’achat du produit (lait, volaille, cochon) indépendamment de la volatilité du prix des aliments de base.
Quatrième facteur : le vieillissement des agriculteurs eux-mêmes. Beaucoup partent à la retraite sans trouver de repreneur et les exploitations sont dépecées. En 2013, plus de la moitié des chefs d’exploitations agricoles avaient plus de 55 ans, note Eurostat. Pis : un tiers (31,1 %) des exploitations agricoles recensées étaient même gérées par des personnes âgées de 65 ans ou plus (une sur deux au Portugal).
Petite lueur d’espoir : la France compte parmi les pays où la proposition des jeunes agriculteurs (moins de 35 ans) est la plus forte : 8,8 %, derrière l’Autriche (10,9 %) et la Pologne (12,1 %). Dans l’Union européenne, seuls 6 % des agriculteurs ont moins de 35 ans.
Source : http://www.bvoltaire.fr