La « loi Travail » entre fatum, fantasme et fantôme
Difficile, pour un gouvernement prétendument socialiste, de devoir passer entre les fourches caudines du libéralisme de marché en réformant le Code du travail. Pis : il est encore plus malaisé, pour un gouvernement nominalement de gauche, de s’attaquer à une forteresse aussi imprenable que ce monument archétypique où sont consignés la plupart des « acquis » sociaux, excepté ceux contenus dans le statut de la fonction publique.
À l’heure où Hollande, en perte de vitesse, prépare frénétiquement sa réélection, en dispensant, tant et plus, la manne et la rosée aux banlieues, aux fonctionnaires, aux intermittents du spectacle, etc., l’examen parlementaire de la loi Travail compte comme une étape (sans doute la dernière de ce désastreux quinquennat) à ne surtout pas rater. L’Élysée et Matignon ont contre eux une poignées de nervis d’extrême gauche (les « Nuit debout ») qui, à défaut de tenir le haut du pavé idéologique, s’essayent à les desceller pour les balancer sur les CRS-« SS », tout en entretenant la purulence d’un abcès de chienlit au cœur de la capitale.
Et puis il y a les syndicats dits « représentatifs », la CGT en tête – qui vient de reconduire son secrétaire général, l’archéo-stalinien Philippe Martinez. Cette même CGT qui défraye encore la chronique pour une nouvelle affiche dirigée contre la « loi Travail ». Ainsi, sur son compte Twitter, le syndicat a-t-il relayé, le soir du 1er Mai, une affiche « Loi travail, stop à la répression ! » sur laquelle on peut voir des policiers marcher sur un sol maculé de rouge figurant du sang. Pour anachroniques (ou d’arrière-garde) qu’elles soient, les campagnes de communication de la centrale de Montreuil ont au moins le mérite de renouer, de façon aussi symbolique que subliminale, avec le vieux syndicalisme révolutionnaire de ses origines.
Et que dire de ces frondeurs qui font effectivement peser sur Matignon une hypothèque que seul un recours à l’article 49-3 sera en mesure de lever, achevant de décrédibiliser, aux yeux de son propre camp, sinon d’une partie de son électorat encore captif, un Premier ministre dont la réputation d’autoritarisme atrabilaire n’est plus à faire ? Quant au patronat, il semble abandonner ce petit monde en rase campagne, quand l’opposition LR-UDI-FN aiguise déjà ses couteaux de boucher.
Myriam El Khomri, ministre docile et à peu près incompétente (rôle de commande qu’elle interprète sans se forcer), va incontestablement servir de fusible et, une fois sa loi soigneusement expurgée de ses scories (taxation des CDD, accords collectifs d’entreprise, assouplissement des licenciements, etc.), s’en retournera dans un anonymat d’où elle n’aurait jamais dû sortir.
Finalement, que restera-t-il de cette « loi Travail » ? Trois mots : fatum, fantasme et fantôme.
Le fatum, ou notre destin résolument voué au Grand Remplacement lorsque les entreprises devront réserver, en leur sein, des salles de prière islamiques. Le fantasme de s’inscrire dans le sillage des lois sociales de 1936 et 1981. Enfin, le fantôme d’un PS grand-bourgeois, encalminé dans ses déconstructions sociétales et arrimé au clientélisme de son prolétariat de substitution. En subsumant le socialisme sous les oripeaux arc-en-ciel d’une gauche progressiste, moderniste et oligarchique, ce, bien avant le congrès d’Épinay, ses sectateurs l’ont plus que trahi. Ils l’ont enterré.
Aristide Leucate
Source : http://www.bvoltaire.fr