
On croit rêver. Dans un communiqué officiel daté de mardi, la préfecture de police de Paris a félicité les organisateurs de Nuit debout, qui ont « pris acte de ses demandes et mis en œuvre les dispositions nécessaires » pour faire en sorte que, pendant le week-end, ne se renouvellent pas les déprédations qui ont eu lieu précédemment. « Cette manifestation se passe maintenant sans incident et dans le calme », se réjouit la préfecture, grâce à une commission baptisée poétiquement « Accueil et sérénité ». Alain Finkielkraut, d’ailleurs, en témoigne un peu partout dans la presse : il a reçu un accueil on ne peut plus serein, sans incident et dans le calme.
Braves petits, que Christiane Taubira considère avec « tendresse » et « espoir ». Que l’on morigène doucement quand vraiment ils dépassent les bornes – mais il faut bien que jeunesse se passe, n’est-ce pas, même si cette « jeunesse » frise à dire vrai la quarantaine – et que l’on embrasse avec emportement sur la bouche dans tous les autres cas. Comme un petit délinquant que l’on porterait au pinacle parce que, pour une fois, il n’a piqué que de la menue monnaie dans la caisse.
Pour la Manif pour tous, en revanche, on n’avait pas de mots assez durs. Ramassaient-ils les papiers gras, évitaient-ils les parterres de jonquilles qu’on les accusait encore de ne pas être en lévitation : non mais, regardez comme ces sagouins ont piétiné le gazon ! Qu’ils remboursent ! Le pire est qu’il aurait pris la fantaisie, à la mairie de Paris ou à la préfecture de police, de leur intimer l’ordre de ne manifester à l’avenir qu’en chaussettes, je crois qu’ils se seraient exécutés…
Car si, comme l’écrit le psychanalyste Michel Schneider, l’État est devenu Big Mother, il s’agit de la marâtre de Cendrillon ou de la mère Thénardier. Il y a Cosette, l’enfant bouc émissaire qui ne sait plus quoi faire pour qu’on l’aime et qui ne finit pas ne plus s’aimer lui-même, persuadé qu’il doit bien être un peu fautif pour qu’on l’exècre à ce point, et il y a les autres, veules et gâtés, que l’on adule et qui deviennent chaque jour plus odieux.
Le spectacle offert par Nuit debout n’est, il faut le dire, que la reproduction, hors les murs, de ce qu’on observe dans le huis clos de la plupart des universités françaises depuis des lustres. Les associations d’extrême gauche, peuplées des mêmes « étudiants » au long cours, y règnent en maître. Une association dissidente tente-t-elle de se présenter aux élections ? Les quelques candidats kamikazes rasent les murs, craignant d’être reconnus. S’ils tentent de tracter à la sortie, on leur réserve un « accueil Finkielkraut »… en mille fois pire.
« Qui sème le vent récolte la tempête », répondit sentencieusement un président d’université complice et masochiste à la sage bourgeoise catholique en escarpins que j’étais, venue naïvement se plaindre de n’avoir pu déposer sa liste le jour J parce que celle-ci n’avait pas eu l’heur de plaire aux nervis de l’UNEF. Un appariteur s’était même fait casser le nez dans la bataille mais c’était, paraît-il, ma faute. Par ma simple présence – existence ? -, je les avais « provoqués », pour reprendre les mots de Besancenot à l’endroit de Finkielkraut.
Aucun gouvernement n’a jamais eu le courage de mettre à bas ces tyranneaux. Aucun n’est parvenu, non plus, durant toutes ces années, à faire passer une vraie réforme touchant de près ou de loin l’enseignement supérieur. Et personne n’a fait de relation de cause à effet ?
Gabrielle Cluzel
Source : http://www.bvoltaire.fr