Nous avons écrit, il y a plus de deux ans et demi, un article sur le sujet, à l'époque où Arnaud Montebourg s'exhibait en maillot de marin afin de promouvoir l'étiquette du « made in France ». Il fallait alors sauver l'économie française, protéger les emplois français et en créer de nouveaux en popularisant le bleu-blanc-rouge, le « fabriqué en France ». On apprenait que les slips français existaient encore ainsi que les chaussettes de chez nous et qu'il était une sorte de devoir patriotique d'acheter ces produits pour faire vivre notre pays et notre bon terroir. Même un magazine sur le « made in France » fut conçu dans cet élan et à cet effet. Mais aujourd'hui, quels sont les résultats de cette entreprise de communication que beaucoup avaient attendu longtemps, parfois en désespérant ? Il faut avouer que rien de concret et d'importance n'a germé de cette agitation toute médiatique. En revanche, la publicité de ce patriotisme économique n'a jamais cessé et se poursuit actuellement principalement au gré de l'actualité décryptée médiatiquement sous le prisme d'un chauvinisme de pacotille. Pendant 45 ans, la voix de la propagande a craché 365 jours par an un anti-patriotisme féroce, idéologique et sentimental présentant son antithèse comme l 'une des pires ringardises de notre époque. Alors que la gauche glorifiait un cosmopolitisme heureux et xénophile, la « droite » pompidolienne et giscardienne, véritable véhicule politique des Rothschild, prônait déjà le flux mondial des capitaux, le nomadisme marchand, l'Amérique, le dynamisme de la femme qui travaille et qui divorce, qui avorte, qui se rend stérile pour faire carrière dans la banque ou ailleurs. L'industrie lourde qui favorise l'enracinement, les mines, l'artisanat, la petite paysannerie, bio sans le dire, et la famille traditionnelle (ciment de la société) étaient obsolètes à ses yeux, et le sont d'ailleurs toujours et c'est bien là que ça coince avec leur patriotisme de tocards volubiles et castrés. Le patriotisme que l'on nous vend actuellement est faux et foireux pour la simple et bonne raison qu'il est accepté sinon désiré à condition qu'il ne procède à aucune modification structurelle de la société française. Il est bien d'être patriote en plus d'être antiraciste, sioniste, nomade, moderne, ouvert sur le monde, voyageur, équitable, novateur et garant de la « bonne » réputation de la France dans le monde. Autant dire que le patriotisme n'est qu'un mot destiné à séduire une certaine clientèle dans cette configuration, bref il ne s'agit que d'une étiquette, que d'une simple étiquette. Bien sûr, dans le lot des entreprises qui s'appuient sur la marque hexagonale existe-t-il de véritables structures qui se développent en France, avec des salariés français, pour produire et vendre de la bonne marchandise française et dont l'essor s'explique par la mode de ce patriotisme-là. Mais force est de constater que les exemples sont rares, trop rares et que ce sont d'ailleurs toujours les mêmes qui sont vantés depuis trois ans par les magazines et journaux économiques qui, dans le fond, se fichent éperdument de la France et du patriotisme et plus largement des valeurs essentielles sans lesquelles aucune nation n'est viable. En outre, ce patriotisme de marketing apparaît clairement comme une mode, et donc comme une contradiction, le patriotisme n'étant ni cool ni « tendance » mais un principe vital à appréhender comme tel. Or, les entreprises qui jouent explicitement la carte du patriotisme pour augmenter leurs ventes de biens ou services le font comme s'il ne s'agissait que d'une mode. D'autant plus que les entrepreneurs communiquant sur cette thématique ne sont généralement pas du tout patriotes comme, dans un autre registre, ces gros producteurs de nourriture halal qui ne sont absolument pas musulmans. Et certains d'entre eux, ne méritent pas, à n'en pas douter, les bénéfices de leurs cocoricos artificiels. Dans le numéro 300 du mensuel Capital, Christophe David rapporte les propos de deux chefs d'entreprise qui en disent long sur l'état d'esprit de charognard d'une fraction du monde « commerçant ». Paul Droulers et Sophie Renier le reconnaissent volontiers : le bleu, blanc rouge n'a jamais été leur tasse de thé.
Made in France ou made in Japan ?
Pendant longtemps, les dirigeants de la société Jack Gomme ne criaient donc pas sur les toits que leurs sacs sortaient d'une usine tricolore. Mais comme, avec la crise, les affaires ne marchaient pas très fort, ils ont commencé à ajouter quelques petits drapeaux discrets de-ci de-là. Et l'effet a été canon. Depuis 2012, leurs ventes ont quasiment doublé pour atteindre presque 2 millions d'euros cette année, dont 80% à l'export. '' Et dire qu'avant cela faisait ringard de fabriquer en France '', sourit Paul, dont la société possède deux boutiques à Paris et cinq au Japon. Cependant la revue Capital n'évoque pas le fait que tous les tissus et gommes utilisés proviennent d'autres pays européens et du Japon. Quant aux sous-traitants produisant en série les « créations » de nos deux « patriotes » en plastique, on ne sait rien ! Mais on se doute bien que lorsque le vent tournera, nos deux patrons se tourneront complètement vers Tokyo où ils trouvent leur meilleure clientèle et leurs meilleures toiles.
Au moins, avec Paul et Sophie, la pantomime patriotique n'est pas un secret. Mais ils ne peuvent tirer grand mérite de cet accès de sincérité étant donné que leur clientèle (largement étrangère) s'intéresse au cachet frenchie et non, bien évidemment, au patriotisme économique franco-français. Bien d'autres entreprises s'appuient sur l'idée de patriotisme économique en jouant les innocentes, alors que ledit patriotisme économique qu'elles stimulent avec leurs étiquettes et leurs tours Eiffel recouvre une réalité moins pure, moins angélique et, faut-il le dire, jamais désintéressée. Le cas de la Manufacture française du cycle est un symbole de « made in France » très partiel. Il reste 300 salariés dans l'usine de vélos de Machecoul qui fabriquait auparavant la célèbre (et légendaire pour les connaisseurs) marque Gitane. Un site maintes fois menacé de fermeture passé entre les mains d'un actionnaire espagnol puis suédois (le patriotisme économique prend parfois de drôles de biais...). Finalement, l'usine a été rachetée par le groupe suisse Intersport et ses « produits » vendus dans ses magasins français. Problème, ces bicyclettes ne sont pas fabriquées en France mais seulement assemblées dans notre pays. Et ce rapide assemblage de selles sur les cadres et de poignées sur les guidons autorisent à présenter ces vélos comme des bons produits de chez nous. C'est facile, c'est mensonger et ça marche chez certains petits Français résolus à soutenir l'économie nationale avec leurs petits achats.
Dégraissage patriotique
On trouve par ailleurs des entreprises qui survivent grâce à la suppression de pans entiers de leurs activités. C'est le cas du groupe qui faillit devenir numéro un mondial de la volaille avant de s'écrouler, Doux. Aujourd'hui, et après avoir liquidé mille emplois, l'entreprise rachetée par une coopérative s'est spécialisée dans le congelé et parviendrait à éponger progressivement une dette colossale. Le mensuel Capital appelle « cela » une réussite.
Que penser de la marque Zodiac qui fut une fierté de l'économie française dans les années 90 bien avant que l'on émette des cocoricos sur des étiquettes ? Les dirigeants avaient cru malin de délocaliser leur production en Chine pour réduire drastiquement leurs coûts de production. Las la qualité des canots en avaient lourdement pâtie. Les actionnaires ont alors rapatrié une partie (une partie seulement) de sa production dans l'usine d'Ayguesvives près de Toulouse. Encore une réussite très relative.
Quant aux super entreprises patriotiques qui utilisent carrément dans leur(s) marque(s) l'adjectif de français, elles sont rares et prêtent une francité à des produits peu à même d'enorgueillir notre peuple ou à aiguiser un réel patriotisme. Pensons par exemple au Slip Français, qui ridiculise davantage la France qu'il ne l'exalte et renvoie le patriotisme à l'image détestable du Super Dupont de Gotlib. Au moins, entendons-nous, « ça marche »... Autre exemple de cette dérision patriotique, l'entreprise La Brosserie française qui travaille pour la gloire de la brosse à dent. Voilà un succès historique formidable avec ses 12 000 abonnés qui reçoivent tous les trois mois leur brosse à dent dans leur boîte aux lettres. Il y a pire. La pornographie de Jacquie et Michel cartonnerait grâce à sa franchouillardise mettant en scène de jeunes boulangères lubriques avec des plâtriers de Lozère ou des ouvriers agricoles de Meuse. Et le media démoniaque de saluer le patriotisme de ces dégénérés. Il y a pire. Car ce faux patriotisme n'est qu'une étiquette sidérante que l'on peut apposer sur n'importe quel produit, aussi empoisonné puisse-t-il être. Nous avons déjà entendu par exemple des journaleux et des savants « alsaciens » se féliciter de la recherche française dans les techniques chimiques et mécaniques abortives. Régulièrement, des journaleux se flattent par ailleurs de la nationalité française de telle ou telle personnalité du monde « artistique » et connue pour leur antipatriotisme féroce. Le néo-patriotisme rend fou.
Le faux patriotisme économique comme bouclier
L'affaire n'est pas close. En 2008, un obscur homme d'affaire qui avait fait ses études en Israël et qui est officiellement ingénieur, Serge Bitboul, venait en terre de Lorraine pour vendre sa « Logan de l'air », son projet de construction d'un avion petit transporteur bon marché, le Skylander. Sur l'ancienne base militaire de Chambley, Bitboul proposait en partenariat avec le Conseil régional de Lorraine dirigé alors par le socialiste Jean-Pierre Masseret de créer une entreprise d'envergure mondiale qui fera rayonner non seulement la Lorraine mais la France tout entière. Badaboum, Bitboul avait en fait inventé un nouvel avion renifleur... « C'est ma fibre patriotique qui m'a fait accepter l'implantation du projet en Lorraine » disait Bitboul en 2013 en se faisant passer pour la victime de son incommensurable altruisme. Déclaration lancée en plein scandale après que ce natif de Casablanca ait touché plus de 21 millions d'euros de la région Lorraine en sus de terrains gigantesques prêtés gracieusement par la même collectivité. Au nom du patriotisme sans préjugé, laïc, antiraciste, le néo-fn soutiendra pendant des années ce projet qui était pourtant louche dès le début puisque Bitboul avait été « mis à la porte » du Portugal, de Tarbes, de Nantes et de Roumanie où il ne connut que des échecs lamentables. Le néo-fn trouva sympathique un homme comme Bitboul et on en devine la raison. Le nationaliste, de son côté, avait immédiatement perçu la potentielle escroquerie qui se préparait là. En se banalisant, le néo-fn, lui, s'est volontairement crevé les yeux pour en arriver à considérer un chasseur de primes doublé d'un escroc comme un patriote...
Du respect pour les puissants dirigeants français ?
Ce néo-patriotisme économique (qui est souvent, répétons-le, un faux patriotisme dans le sens où les producteurs ne sont généralement nullement patriotes mais escomptent sur le patriotisme des consommateurs français même lorsqu'une importante fraction de leurs marchandises sont fabriqués par des Chinois ou d'autres Asiatiques des pays émergents), par sa diffusion importante dans les media, notamment grâce au bon Jean-Pierre Pernaud de TF1 qui nonobstant est parfois le VRP d'un véritable artisanat français très précieux culturellement, profite aux énormes multinationales « françaises » qui ont toujours considérés les patriotes comme leurs pires ennemis politiques. Quelle ironie ! Et cette question : un patriote a-t-il le droit d'émettre des critiques envers une multinationale « française », surtout quand elle est numéro un dans son secteur ? La crise agricole actuelle, la crise du lait en particulier, témoignent de l'extrême prudence des media et des politiques à l'égard des énormes multinationales comme Lactalis. Comment tolérer qu'une entreprise interlope (voir plus loin) essore au maximum les petits producteurs français alors qu'elle fait son beurre à l'étranger ? Comment accepter qu'une entité commerciale qui enrichit une famille depuis de nombreuses décennies se fasse des « extras » sur l'agonie de milliers de paysans ? C'est impossible de tolérer cela car nous savons très bien que lorsque les laitiers français auront disparu, ils seront remplacés par des Ukrainiens, des Brésiliens, des Bulgares qui feront la nouvelle fortune du patron de Lactalis, le trop discret Emmanuel Besnier. Un homme secret, photographié trois ou quatre fois seulement et refusant les interviews même pour expliquer en détail les raisons pour lesquelles l'entreprise familiale utilisa dans le passé des méthodes peu orthodoxes pour augmenter facilement ses bénéfices nets. En 2000, annus horribilis pour la boîte fromagère, des inspecteurs sanitaires prirent sur le fait l'entreprise en train de « mouiller » le lait qu'il venait d'acheter une bouchée de pain aux paysans exploités. Bref, Lactalis ajoutait de l'eau au lait et gagna en quelques mois 11 millions d'euros uniquement avec cette tricherie, mais on ne sait toujours pas depuis quand les Besnier agissait de la sorte et on ignore ainsi la réelle fortune engendrée par cette escroquerie. A la même époque, le géant du lait qui devrait faire notre fierté était accusé de mélanger son lait en poudre avec de l'eau oxygénée pour le blanchir. La direction parla alors « d'histoire ancienne ». Autre chose avant d'en finir avec cette fierté nationale. Le siège social de Lactalis se trouve en Belgique, et, pour l'anecdote, le patron roule en voiture japonaise.
L'antipatriotisme ou le patriotisme républicain
On le sait. Aujourd'hui, « tout le monde il est patriote ». A fortiori, tous les politiques qui veulent profiter de la mode du crypto-chauvinisme. Même Macron, l'homme-lige des Rothschild comme l'était Pompidou, en serait. C'est dire l'entourloupe. Macron, c'est ce petit vendu qui força la vente de la branche énergie d'Alsthom au géant américain General Electric en livrant une partie de notre technologie nucléaire (la fabrication des turbines des centrales) aux Etats-Unis contre l'avis général. Néanmoins, Alsthom est pourri de l'intérieur depuis belle lurette et on ne peut dire que l'actionnaire principal, Bouygues, se soit levé pour empêcher ce véritable viol économique. (Début 2015, Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économique, dénonce les conditions de cette vente au groupe General Electric (GE) soulignant que contrairement aux promesses d'Arnaud Montebourg, assurant que le secteur nucléaire resterait sous contrôle français, le protocole d'accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l'assemblée générale, a pour conséquence de placer sous la coupe du groupe américain les turbines produites par Alstom et de cette manière la maintenance des centrales françaises. « Nous avons donc délibérément confié à un groupe américain l'avenir de l'ensemble de notre filière nucléaire »… Pour Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE, le rachat de la branche énergie par GE est un acte de guerre économique dont le résultat a été l'anéantissement de l'adversaire). On apprit à la fin du mois d'août que le groupe Alsthom avait décroché un formidable contrat de 2,2 milliards d'euros chez l'Oncle Sam pour fournir des TGV à une nouvelle ligne grande vitesse de la côte Est. Là encore, les patriotes devraient s'en réjouir. Pourtant, aucun emploi ne sera créé pour l'occasion. Pis, toute la production sera faite directement en Amérique du Nord. Certes, l'entreprise de Belfort se refera une santé pécuniaire. Une entrée d'argent bien venue pour l'entreprise chouchou de la SNCF (donatrice shoatique sous la pression d'Alsthom), une entreprise qui avait perdu plusieurs marchés après avoir collaboré avec grand zèle à la colonisation de Jérusalem-est avec son métro-tramway. Un acte patriotique, bien sûr, aux yeux de ceux de l'ombre.
François-Xavier Rochette