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Le blog politique de Thomas JOLY

Ne dites plus euthanasie mais « interruption volontaire de l’énergie vitale »

7 Juin 2024, 06:23am

Publié par Thomas Joly

Franchement, ça pourrait être un gag. Stéphane Lenormand, député LIOT de Saint-Pierre-et-Miquelon (ce petit bout de France aux portes du Canada), aurait pu dire des choses bien plus intéressantes au nom de sa romanesque circonscription. Il a choisi une intervention sémantique qui rappelle - même si c’est devenu un bien triste cliché - les plus riches romans dystopiques d’Orwell ou Huxley : renommer l’euthanasie.

Le projet de loi sur l’euthanasie (mâchoire supérieure de la mort étatique, dont la mâchoire inférieure est l’avortement) est en discussion à l’Assemblée nationale. Tout le monde, ou presque, semble d’accord sur le fond : en gros, face à la mort, un pas en avant. La peur de vieillir, la peur de déchoir, la peur de souffrir, la peur de l’EHPAD, l’angoisse de ne plus être rentable, l’angoisse d’être abandonné par ses enfants : les causes sont légion, dans l’explication de cette forme hideusement tordue de suicide à la romaine. Elles ont toutes un point commun : une haine de la faiblesse et de la vulnérabilité. Cette haine, qui est aussi celle que d’aucuns ont envers les fœtus trisomiques, est une marque de faiblesse. La grandeur d’une société se mesure à sa miséricorde envers les faibles, les estropiés, les exclus.

Bref : l’euthanasie est devenue, dans le langage macroniste, une « aide active à mourir ». Ce n’est déjà pas mal, en termes de scandale. M. Lenormand propose d’aller un tout petit peu plus loin : il propose, pour que l’« aide active à mourir » soit « moins douloureuse à entendre », de l’appeler « interruption volontaire de l’énergie vitale ». Ouais. Sérieux. L’IVéVé, quoi, parodie édentée de l’IVG, en quelque sorte. Deux néologismes cachant deux assassinats. On ne va pas citer Camus pour la millième fois (nous ne sommes pas sur une chaîne d’info), mais convenons en tout cas que mal nommer les choses est devenu une habitude, dans les cercles du pouvoir.

Pourquoi vouloir déguiser ce qui n’est rien d’autre qu’une façon de donner la mort à quelqu’un ? Pourquoi, également, cette difficulté à reconnaître la dignité et même - soyons fous - le visage du Christ chez quelqu’un qui souffre, qui est seul, dont le corps n’est que douleur et que la vie n’a pas encore quitté ?

Il y a un précédent à de telles façons de déguiser la mort : sous le IIIe Reich, l’euthanasie était appelée Gnadentod, c’est-à-dire « mort miséricordieuse ». Envisager la mort comme un soin, comme un service rendu - comme un service public -, c’est une façon particulièrement odieuse d’envisager l’existence de ses semblables. C’est flatter la lâcheté de l’homme face à la mort et c’est ériger l’individu en juge de sa propre existence.

Il faut lire le livre magnifique de Véronique Bourgninaud, Contre la détestation de l’homme par l’homme, pour comprendre de quoi il est profondément question. On peut aussi voir son intervention face à la représentation parlementaire. Simple, clair, honnête. Trois mots, tellement opposés à ce charabia commercial, trois mots qui révèlent à quel point les progressistes - parce qu’ils savent très bien ce qu’ils font - répugnent à nommer ce qu’ils préparent. En réalité, l’interruption d’énergie vitale, c’est plutôt celle de notre civilisation, celle de notre pays, qui a envie de se coucher pour mourir. Est-elle volontaire ? Nous verrons bien, si ça continue.

Arnaud Florac

Source : http://bvoltaire.fr

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