Mondialisation : pour Pâques, le gigot français introuvable… ou hors de prix !
Depuis l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande fin 2023, la viande de la « Terre du long nuage blanc » a envahi nos rayons. certaines marques de la grande distribution ne semblent plus jurer que par l’agneau néo-zélandais. C’est, notamment, le cas de Picard ou Leclerc. Nous n’avons pas pu obtenir d’informations de leur part, mais leurs catalogues en ligne sont explicites : quasiment que de l’agneau néo-zélandais… D’autres enseignes ont des sources plus diverses. C’est, par exemple, le cas de Cora, Monoprix ou encore Carrefour. Sur le catalogue en ligne du géant de la distribution, « seulement » 14 des 55 articles proposés dans la catégorie « agneau », le 27 mars 2024, sont d’origine néo-zélandaise, assure le distributeur. Mais BV a fait le test. Au Carrefour de Saint-Quentin-en-Yvelines, une semaine avant Pâques, il fallait se rendre à la boucherie découpe pour trouver de l'agneau français... trois fois plus cher ! Il était absent en rayon. Du côté de la Grande Epicerie de Paris, en revanche, toute la viande est d’origine française. Ainsi, aux pauvres l’agneau néo-zélandais bourré de pesticides, à la bourgeoisie germanopratine l’agneau français élevé dans le respect des traditions de nos terroirs.
La saison pascale, qui correspond cette année peu ou prou à celle de l’aïd, est en France celle où l’on consomme le plus d’agneau. Si, l’an dernier, l’importation de viande néo-zélandaise était à la baisse, comparée à 2022, le récent accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande devrait changer la donne. Certaines marques assurent que leur approvisionnement néo-zélandais est ponctuel, comme Casino : « La production française ne permet pas de couvrir la demande en gigot d’agneau durant les fêtes de Pâques et de Noël, nous répond-il. Aussi, durant ces deux périodes de forte demande, les enseignes Casino ont recours à un approvisionnement en Nouvelle-Zélande et en Australie. Cela n'est pas lié à la signature du traité, car il s’agit d’un approvisionnement très saisonnier. Nous ajoutons que le reste de l’année, aucun approvisionnement en agneau ne vient de Nouvelle-Zélande. »
Vastes troupeaux et pesticides autorisés
Comment expliquer le succès de l'agneau néo-zélandais ? Premièrement, les éleveurs néo-zélandais n’opèrent pas à la même échelle que les nôtres. Il n’est pas rare que leurs troupeaux comptent plusieurs milliers d’individus, ce qui leur permet évidemment de réaliser de formidables économies d’échelle. Les normes sanitaires en vigueur au pays de la fougère sont bien moins contraignantes que les normes européennes. Ainsi, les éleveurs néo-zélandais utilisent entre autres le diflubenzuron, un pesticide puissant et possiblement cancérigène sur leurs bêtes comme sur leurs pâturages. Or, ce pesticide est interdit en France. Les éleveurs néo-zélandais ont par ailleurs de l'herbe toute l'année quand les éleveurs français doivent nourrir leurs troupeaux l'hiver.
Un dernier point doit être pris en compte, et non des moindres : la viande n’est pas le principal produit d’exportation issu des moutons néo-zélandais. À l’inverse de la France, les bêtes sont là-bas principalement élevées pour leur laine. Celle-ci, très mal rémunérée en France, suffit généralement à amortir les coûts d’élevage. Les bénéfices de la viande sont donc du bonus pour les éleveurs, qui peuvent se permettre de la vendre à bas prix. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des gigots néo-zélandais allant jusqu’à 7,99 € le kilo chez Lidl, tandis qu’il faut généralement compter au moins 20 € le kilo pour la viande française. Un rapport de un à trois !
Des gigots moins chers et... moins bons
Ces importations ont un impact dévastateur sur nos agriculteurs. Ignorés pendant des années, cela fait maintenant quelques mois qu’ils ont pu se faire entendre. Or, l’une de leurs revendications principales est l’arrêt des accords de libre-échange signés par l’Europe et l'arrêt de ceux ayant cours. Pour les agriculteurs, ces accords favorisent une concurrence qu’ils considèrent comme déloyale avec des produits moins chers mais de moindre qualité dont les agneaux néo-zélandais sont l’exemple type.
Nos classes populaires s’empoisonnent à petit feu avec de la viande de mauvaise qualité et nos agriculteurs se soumettent à une concurrence qui les tue tout aussi lentement, et cela, presque quarante ans après l’affaire du Rainbow Warrior. Car c'est pour se faire pardonner cette « affaire » que Mitterrand autorisa la Nouvelle-Zélande à importer ses agneaux en France, à des conditions très avantageuses. Un déséquilibre que la signature du traité UE-Nouvelle-Zélande n'a fait qu'accroître.
Louis de Torcy
Source : http://bvoltaire.fr
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