Plus que les déterminismes sociaux, l’égalitarisme est facteur d’inégalités
L'égalité des chances n'existe pas à la naissance. Les déterminismes sociaux sont une réalité à laquelle il est difficile d'échapper. Les conditions de logement, l'environnement culturel et familial, le quartier où l'on habite, l'école où l'on est affecté peuvent influer sur la réussite scolaire d'un enfant. Les enfants de milieux défavorisés sont-ils donc condamnés à l'échec ? Ils ne le seraient pas si l'école n'avait pas renoncé à sa mission d'instruction, d'émancipation et de promotion sociale.
Des enfants qui jouent avec des lettres sur le frigo, des parents qui leur lisent une histoire le soir : si ces pratiques peuvent sembler insignifiantes, elles en disent pourtant long sur le déterminisme social, explique le sociologue Bernard Lahire. pic.twitter.com/fuv9xrZ7kR
— France Culture (@franceculture) September 3, 2023
Sur France Culture, le sociologue Bernard Lahire a souligné que le rapport au livre et à la lecture, dès la petite enfance, est déterminant. Au demeurant, si l'on en croit des recherches récentes, la numérisation et le survol en ligne sont, pour tous, des obstacles à une lecture sérieuse. Mais quand des parents ne parlent pas le français ou ne savent pas ce qu'est un livre, quand l'enfant n'a pas d'endroit pour faire ses devoirs ni personne pour lui donner des explications, il paraît évident qu'il a plus de mal à progresser dans ses études.
Le passage de l’analogique au numérique a changé profondément notre façon de lire. Or, il semble que nos #cerveaux subissent à leur tour une transformation numérique. Des chercheurs en sciences cognitives ont découvert que pour parcourir rapidement le flot incessant des… pic.twitter.com/v4k8ciBzgB
— Philippe Roi (@7559pr) September 3, 2023
L'école, précisément, devrait remédier à ces inégalités sociales en apportant aux enfants ce qu'ils ne peuvent trouver dans leurs familles. Aucun élève, s'il a du talent, ne devrait pâtir de sa condition sociale. Chacun se souvient de Louis Germain, qui intervint auprès des parents d'Albert Camus pour les convaincre de lui faire poursuivre ses études au lycée d'Alger. On prétend que l'école s'est démocratisée, mais il y a 50 ans, les enfants d'ouvriers ou de paysans étaient plus nombreux qu'aujourd'hui dans les filières sélectives.
La méritocratie abandonnée
Le problème, c'est qu'on a abandonné l'idéal républicain de l'école, ce qu'on n'ose même plus qualifier de méritocratie, de peur de passer pour un horrible réactionnaire. L'égalitarisme a tellement perverti les esprits qu'il est interdit de laisser entendre qu'il pourrait y avoir de bons et de mauvais élèves. Les bourses scolaires sont distribuées indifféremment, les classements, les compositions trimestrielles ont disparu, les devoirs à la maison sont proscrits. Pis encore : on a renoncé à l'exigence pour ne pas pénaliser ceux qui réussissent moins bien que les autres.
Il ne s'agit pas, comme l'avait déclaré Vincent Peillon, dans une formulation pour le moins contestable, « d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » – il y avait quelque chose de totalitaire dans son propos –, mais de corriger des inégalités pour permettre à tous les élèves studieux, quel que soit leur milieu d'origine, de développer leurs talents et de tendre vers l'excellence. En aidant matériellement et en accompagnant tous les élèves méritants.
Sirènes égalitaristes
La plupart des gouvernements, depuis des décennies, à gauche comme à droite ou au centre, ont cédé, par démagogie ou par idéologie, aux préjugés égalitaristes. Le doublement d'une classe est proscrit, on met en place, sous différentes appellations, des « programmes personnalisés de réussite éducative » pour faire semblant d'agir, on pratique une fuite en avant en remettant à la classe suivante le soin de remédier aux lacunes précédemment accumulées, on fonce dans le mur...
Les gens au pouvoir se gargarisent de belles intentions, proclament que chacun doit avoir sa chance, feignent de croire que le système éducatif fonctionne. Dans les faits, c'est à chaque famille de se débrouiller, de trouver les bons tuyaux, les bonnes filières, les bons établissements. Ceux qui disposent de moyens matériels et de réseaux y arrivent mieux que d'autres. Les fils à papa ont toujours existé, ils se sont juste donnés « la peine de naître », comme disait Figaro. Mais beaucoup d'enfants sont laissés pour compte, parmi lesquels combien de Mozart assassinés !
Philippe Kerlouan
Source : http://bvoltaire.fr
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