Terrorisme : le retraitement suspect des informations de la DGSI par l’AFP
Tout a commencé avec la publication d’une intéressante interview dans les colonnes du Monde, dimanche 9 juillet. Le patron de la DGSI, Nicolas Lerner, décrit les nouveaux profils de terroristes potentiels. Si le terroriste islamiste est évidemment le profil le plus courant, le patron des renseignements intérieurs pointe l’émergence des risques terroristes d’ultra-droite et d’ultra-gauche. Lerner estime aussi que « la manière dont l’ultra-gauche investit la sphère environnementale est un sujet de préoccupation ». Comme à chaque fois qu’un quotidien ou un quelconque média fournit un contenu à portée nationale, il est de coutume de voir l’Agence France-Presse en tirer une dépêche disponible à toutes les rédactions abonnées.
Et comme le veut la coutume, l’AFP titre avec l’angle qu’elle a considéré comme étant le plus pertinent. Elle a choisi ce titre : « Le patron de la DGSI alerte sur la "résurgence" des actions violentes d’ultra-droite. » Un titre repris par tous les principaux médias. De Ouest-France au Figaro en passant par Le Parisien ou encore France Info.
En dépit de vos milliers de réactions, l'article falsifié de l'AFP n'a pas été corrigé. Aucun fact checker n'a fact checké. Tirez-en les conclusions qui s'imposent.https://t.co/CXxojSmdWn
— Pierre Sautarel (@FrDesouche) July 10, 2023
En bref, l'Agence France-Presse a priorisé une approche du sujet en évacuant totalement les deux autres. Elle a mis en avant « les risques d’ultra-droite » alors que les trois quarts de l’interview portaient sur le terrorisme islamiste et les actes violents d’ultra-gauche. Le tout dans un contexte d’émeutes qui ont ensanglanté la France. Un choix d’autant plus cocasse que M. Lerner a déclaré, dans l’interview : « Dix actions terroristes, d’inspiration néo-nazie, accélérationniste [qui consiste à accélérer la survenue d’une guerre raciale avant qu’il ne soit trop tard pour l’emporter], raciste ou complotiste ont été déjouées depuis 2017. » Ce qui est peu, comparé aux « 70 attentats déjoués par nos services en dix ans », comme l’avait annoncé Emmanuel Macron en mars 2023.
Un choix éditorial qui a fait le bonheur de certains élus de gauche, comme le député EELV Thomas Portes. Ainsi, l’élu d’extrême gauche, sanctionné par l’Assemblée pour avoir joué au football avec un ballon sur lequel on avait apposé le visage du ministre Olivier Dussopt, a tweeté :
Sa parole est rare. Le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner, alerte dans @lemondefr sur "la résurgence très préoccupante" des actions violentes de l'ultradroite depuis le printemps. Et silence radio de la macronie. https://t.co/TXNJpmThEb
— Thomas Portes (@Portes_Thomas) July 9, 2023
Une pantalonnade dans la pure veine de La France insoumise qui avait créé, pendant la précédente législature, une commission d’enquête sur les « violences d’extrême droite ». Elle n’avait pas donné grand-chose, sinon cette performance : elle avait permis d'accueillir parmi ses membres le député Mjid El Guerrab, lui-même condamné pour des faits de violences physiques, et le leader antifa de la Jeune Garde à Lyon, Raphaël Arnault, pas vraiment un tendre non plus…
Des exemples alarmants de la menace islamiste...
« Deux jeunes hommes, dont un mineur de 17 ans, vivant dans les Alpes-Maritimes et en Seine-Saint-Denis, projetaient plusieurs attentats à l’arme blanche contre des civils, des personnalités qualifiées d’opposants à l’islam. » Cet avertissement de Nicolas Lerner dans l’interview du Monde n’aura pas eu la chance d'être repris par l’AFP. Dommage, d’autant que les chiffres énoncés sont intéressants : il y aurait, dans nos prisons, 391 détenus présentant un profil de terroriste islamiste, en sachant « qu’une centaine d’entre eux est sortie en 2022 ». De quoi, encore une fois, sans nier l’existence d’un certain danger à droite, hiérarchiser les informations.
Édulcoration des attentats d’ultra-gauche
Les différents médias l’ont noté et mis en avant : Nicolas Lerner « réfute le terme d’écoterrorisme ». La place donnée à cette information comparée à celle apportée au terrorisme d’ultra-droite est d'autant plus révélatrice du réflexe AFP que l’homme le mieux informé de France alerte pourtant sur des « idéologies qui légitiment et théorisent le recours à l’action violente ».
En bref, cette désinformation est un cas d’école. Premièrement parce que l’AFP frôle la « fake news » en hiérarchisant les risques. Ensuite parce que ses dépêches sont reprises au mot près par la plupart de nos confrères qui donnent de l’écho à un point de vue tronqué. Si vous vous demandiez, après avoir vu la France brûler par la main des émeutiers, comment certains vivent dans des réalités parallèles, vous avez un début d’explication.
Contactée à de nombreuses reprises, ce 10 juillet, l’AFP n’a pas encore répondu à nos sollicitations.
Marc Eynaud
Source : http://bvoltaire.fr
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