En France, il y a les victimes avec un grand V… et les autres
En France, il y a les victimes avec un grand V… et les autres. Selon qu’elle servent le discours de la gauche ou qu’au contraire, elles y contreviennent.
Pour Nahel, dès le lendemain, le Président a voulu « dire l’émotion de la nation tout entière », assurant la famille de « la solidarité et l’affection de la nation » et qualifiant l’acte d'« inexplicable et inexcusable ». Rappelons que, trois jours après le meurtre de Lola, Emmanuel Macron n’en avait toujours pas fait mention sur son compte Twitter. On ne se souvient pas non plus, il y a un an, de la moindre allusion de sa part au meurtre de Chantal Kempf, Alsacienne septuagénaire égorgée dans sa résidence senior, pour lequel trois hommes de nationalité algérienne, « selon toute vraisemblance » (Le Figaro) en situation irrégulière, ont été mis en examen et placés en détention provisoire. Pourtant, dans le cas de Chantal Kempf, les faits sont on ne peut plus clairs : aucun refus d’obtempérer ni passif d'aucun ordre. Du côté des mis en cause, pas de possibilité d’invoquer, on en conviendra, la moindre légitime défense. Pourtant, seuls les pensionnaires et le personnel de la maison de retraite lui ont rendu un modeste dernier hommage.
En l'honneur de Nahel, il y a eu une minute de silence à l’Assemblée nationale. « Est-ce qu’on fait une minute de silence à chaque fois qu’un policier est mort dans un barrage non respecté ? », a demandé, sur Sud Radio, Annie Genevrard, députée du Doubs et secrétaire générale des Républicains. La réponse est dans la question.
S'agissant de Nahel, la vidéo du drame a circulé à la vitesse de l’éclair sur les réseaux sociaux, exploitée et surexploitée par tous les médias à l’envi sans qu’aucune des belles âmes qui menaçaient des pires sanctions pénales les comptes Twitter relayant la vidéo d'Annecy ne sourcille le moins du monde. Bizarrement, plus question de ménager la dignité de la victime ou l’intimité de la famille.
Pour Nahel, les stars se bousculent : toutes veulent exprimer leur indignation et leur peine pour « ce petit ange parti beaucoup trop tôt », comme l’a écrit Kylian Mbappé sur Twitter. Lola (12 ans) et Timothy (19 ans) n’étaient-ils pas des petits anges encore plus irréprochables puisque n’ayant jamais eu maille à partir avec la police ni la justice ? Pourquoi n’ont-ils pas réussi à émouvoir le petit cœur de Kylian Mbappé et de ses comparses ? Mathieu Kassovitz, sur Instagram, en évoquant Nahel, essuie ses larmes, parle de « bavure », dit que « cela fait trente ans que ça dure ». Le même, sur le plateau de LCI, il y a deux ans, avait affirmé à Véronique Monguillot, veuve du chauffeur de bus de Bayonne, que le calvaire de son mari n’était qu’un « fait divers » perpétré par « un fou ».
Dans le cas de Nahel, la famille n’a pas fait d’appel au calme ni dénoncé l’instrumentalisation, par la voie d'un tiers parce que recluse dans sa peine, comme il est d'usage. Au contraire, traitant publiquement de « fils de pute » le policier, la mère a exhorté au rassemblement « Justice pour Nahel », trônant elle-même aux côtés d’Assa Traoré sur le char de tête. Si la douleur des mère et grand-mère de Nahel est ô combien compréhensible, il est en revanche plus étonnant qu'aucune des deux ne semble déplorer les agissements illicites du garçon de 17 ans. Ce sont bien eux, pourtant, qui l'ont conduit à sa perte : que le policier soit in fine condamné ou non, force est de constater qu'il y a bien eu un refus d'obtempérer.
La France à deux vitesses est décidément, dans tous les domaines, un feuilleton inépuisable. Reste à savoir combien de temps la France avec un petit V le suivra passivement sur son petit écran.
Gabrielle Cluzel
Source : http://bvoltaire.fr
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