Médias, show-biz et politique : les années coke sont-elles vraiment finies ?
Certes, Pierre Palmade est inexcusable. Mais ses anciens amis du microcosme médiatico-artistique qui l’accablent aujourd’hui n’ont eux aussi que peu d’excuses. La preuve par l’hebdomadaire Marianne ayant, cette semaine, titré sur « La coke et nos élites ».
Les « amis » en question ont désormais beau jeu de stigmatiser le maillon faible de leur propre univers et de pointer l’irresponsabilité de l’humoriste. La chose n’est en effet pas nouvelle : dans les années 80, Françoise Sagan, cocaïnomane notoire, paye les pots cassés, avant que l’actrice Béatrice Dalle ne prenne le relais. Une décennie plus tard, Johnny Hallyday rompt la loi du silence, affirmant au Monde : « Oui, j’en ai pris longtemps en tombant de mon lit le matin. Pour travailler, pour relancer la machine, pour tenir le coup. Je ne suis pas le seul, d’ailleurs. La poudre et le hasch circulent à mort chez les musiciens. Mais il faut bien savoir que nos chansons, on ne les sort pas forcément d’une pochette surprise. »
Comme il s’agit de Johnny, tout le monde se tait. Il a chanté pour Jacques Chirac et soutiendra Nicolas Sarkozy. Suffisant pour que l’État tolère sa nonchalance vis-à-vis de l’administration fiscale et de la brigade des stups. D’ailleurs, Jack Lang n’a-t-il pas remis la Légion d’honneur à Lou Reed, autre camé notoire, en 1992 ? Pas mal, pour un homme qui a chanté « Heroin » et « I'm Waiting for the Man », deux chansons consacrées à cette poudre opiacée et à ceux qui viennent la livrer. Bref, l’exemple peut aussi venir de haut.
Mais là où le dossier de Marianne devient des plus intéressants, c’est qu’il permet d’en finir avec de vilains clichés voulant que ces drogues, douces ou dures, ne soient que l’apanage de gauchistes chevelus, tant ces substances transcendent depuis longtemps les frontières politiques.
Certes, Alain Léauthier, ancien de Libération, narre dans ce dossier les bouclages du quotidien fondé par Serge July à l’occasion desquels la poudre colombienne était l’adjuvant le plus partagé. De l’autre côté de la barricade, ces mêmes bouclages ne se faisaient pas non plus à l’eau de Vichy. De Minute à Présent, de National Hebdo au Choc du mois, le whisky était roi. À l’époque, les journalistes de gauche se droguent et ceux de droite picolent. Et aujourd'hui ?
Aujourd'hui, la cocaïne est partout, ou presque : d’où les ravages causés dans le monde de la finance et de la télévision ; voir le calvaire du présentateur Jean-Luc Delarue, autre victime expiatoire. Il y a là des gens de gauche comme de droite. Mais avant tout des personnalités. D’où le témoignage de ce policier, recueilli par Marianne : « À choisir entre un client lambda et un people, on a toujours préféré le client lambda. Le people, c’est toujours une source d’emmerdes, il faut faire des rapports à la hiérarchie et leur aménager des horaires discrets. »
Nos lecteurs pourront certes juger ces comportements déviants, mais l’usage de ces produits euphorisants ont souvent été de mise dans les métiers stressants : artistes et journalistes, donc, mais aussi les restaurateurs, sans oublier les politiques, pas toujours très clairs sur la question. Là, les langues se délient moins. Car, pour un Emmanuel Pellerin, député Renaissance, ayant officiellement avoué sa dépendance à la « coco », avant de devoir se mettre en retrait de la vie politique, combien d’autres hypocrites ?
En près de quarante ans de journalisme, l’auteur de ces lignes a personnellement vu ces produits circuler dans tous les partis, et même chez ceux qui se voulaient les plus répressifs en la matière. Et quand on dit « tous », c’est véritablement « tous ».
Mais il y a plus grave : depuis que le prix de la cocaïne a été divisé par trois ou quatre, elle n’est plus seulement réservée aux « élites », artistiques, médiatiques et politiques. Cette « démocratisation » a-t-elle du bon ? Il est à craindre que non. On n'en a décidément pas fini avec les « années coke ».
Nicolas Gauthier
Source : http://bvoltaire.fr
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