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Le blog politique de Thomas JOLY

Grèves : vu de l’étranger, l’incompréhensible blocage français

7 Mars 2023, 07:03am

Publié par Thomas Joly

Et si le sort de la bataille était contraire aux deux belligérants ? Ils l’attendent depuis des semaines et entretiennent le suspense. Après avoir « transformé l’Assemblée en ZAD », réalisant le souhait de la patronne d’Europe Écologie Les Verts Marine Tondelier, la gauche s’apprête à peser de tout son poids dans le bras de fer qui l’oppose à l’exécutif dans la fameuse réforme des retraites, actuellement en cours de débat au Sénat. Le texte a quitté l’Assemblée sans vote final, du fait de l’obstruction parlementaire mise en place par la gauche. En bref, ces 7, 8 et 9 mars, la gauche et les syndicats vont tenter de bloquer le pays.

Des élus foutent le bordel

On ne rappellera pas l’historique des coups d’éclat de la NUPES dans l’Hémicycle durant ces débats chauffés à blanc. Mentionnons néanmoins l’exclusion du député LFI Thomas Portes pour avoir joué au football avec un ballon sur lequel était dessinée la tête du ministre du Travail Olivier Dussopt et avoir provoqué un tumulte en séance. Rappelons aussi le député Aurélien Saintoul, forcé par ses propres camarades du groupe communiste à présenter ses excuses après avoir traité le ministre d’assassin. Cela, c’était le mois dernier.

Plus récemment, c’est l’inénarrable Louis Boyard qui a lancé sur Internet un challenge « Bloque ton école » et qui promet d’inviter à l’Assemblée les plus méritants des compétiteurs. Ce qui lui a valu les félicitations de Jean-Luc Mélenchon : « Bravo Louis Boyard ! Coup au but ! Tous les perroquets du régime surjouent l'indignation et font la pub de ton idée ! », a tweeté l’ex-candidat à l’élection présidentielle. Non content d’inciter à commettre des actes illégaux, Boyard a même vu son collègue Deloglu (ex-chauffeur de Jean-Luc Mélenchon) annoncer qu’il démissionnerait si la réforme passait, ajoutant qu'« on ne laisserait pas d'élection se faire » dans sa circonscription. Une position polémique pour celui qui a été élu dans les Bouches-du-Rhône face au RN avec les voix de la Macronie. « La NUPES veut hacker le mouvement social pour capitaliser sur son  électorat », analyse le politologue Arnaud Benedetti. Rien de surprenant si ce n’est « que les syndicats essayent de garder leurs distances avec la classe politique », un moyen de se prémunir du vampirisme Insoumis.

Vu de l’étranger

Pour prendre de la hauteur, quoi de mieux que le regard de nos proches voisins ? D’autant que le système de retraite de la France est unique au monde. Sans surprise, le monde anglo-saxon écarquille les yeux. Le New York Times a ainsi noté « des conceptions très ancrées dans les mentalités, où la vie active est considérée comme une corvée et la retraite comme une libération permettant enfin de profiter de l’existence ». Un tempérament très éloigné du capitalisme protestant. L'incompréhension américaine est partagée par nos voisins d'outre-Rhin. Ainsi les Allemands, dans Die Welt, pourfendent-ils la rhétorique des opposants à cette réforme. « Les arguments mettant en avant la solidarité intergénérationnelle et l’allongement de la durée de la vie sont balayés du revers de la main, écrit le journal. Les comparaisons avec les pays voisins – où l’âge de la retraite est plus élevé – ne valent pas. » Dans le sud du continent, on s’attache davantage à l’aspect politique. Le quotidien de référence espagnol El País note ainsi l’enjeu crucial pour Emmanuel Macron qui joue gros afin de faire passer la « mère de toutes les réformes ». Entre cela et « le droit à la paresse » voulu par Sandrine Rousseau, on peine à imaginer comment la France peut d’un côté réindustrialiser et de l’autre paraître attractive pour le reste du monde. Symptôme d’un pays qui ne veut pas sortir du vieux rêve vendu par la gauche, un rêve de cerisiers en fleurs masquant un véritable cynisme électoral.

Et demain ?

La réalité est toujours plus décevante que l’imagination. Au fond, si depuis l’étranger on peine à comprendre cet accès de fièvre français, on finirait presque par se demander si ce chauffage à blanc ne risque pas de finir en tir à blanc, justement. Avec des transports fortement impactés mais n’accusant la fermeture d’aucune ligne, les déplacements seront très compliqués mais pas impossibles, certaines stations-service seront correctement approvisionnées et les écoles, sauf blocages à l’initiative de la NUPES, seront ouvertes. Alors, comme à chaque mouvement social d’ampleur, on finit par se demander si cette mobilisation a vraiment pour enjeu les retraites ou un bras de fer politique entre une gauche en recherche d’unité et un exécutif en recherche d’ennemi. Ce duel se produit devant 60 millions de Grançais pris en otages et obligés de regarder. De son côté, le Rassemblement national cherche à tenir sa ligne de crête entre « une base sociale très hostile à la réforme, un électorat plus légitimiste » ayant l’amour de l’ordre, analyse Arnaud Benedetti, et sa volonté de « cranter sa respectabilité »  devant les institutions. Au fond, on paye une vieille équation : les soixante-huitards ont cramé la caisse, la Macronie vend le pays à la découpe, la NUPES abdique au nom de la paresse. Et devinez qui payera ?

Marc Eynaud

Source : http://bvoltaire.fr

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