Islam en France : nouvelle instance, mais même entrisme des Frères musulmans ?
Ce jeudi 16 février, Emmanuel Macron ouvrait les portes de l’Élysée aux membres du tout récent Forum de l’islam de France (FORIF). Malgré la volonté affichée de reprendre en main le culte musulman, cette nouvelle « instance de dialogue » qui succède au Conseil français pour le culte musulman (CFCM) pourrait être à nouveau infiltrée par des réseaux proches des Frères musulmans.
Proximité frériste
Adieu le CFCM, bienvenu au FORIF. Ce 16 février, le chef de l’État entérinait « la fin du Conseil français du culte musulman », mis en sommeil depuis 2021. Fondée en 2003 par Nicolas Sarkozy, l’organisation s’était retrouvée minée par les querelles internes et les accusations d’ingérences étrangères. Le nouveau FORIF, officiellement créé le 5 février 2022 par Gérald Darmanin, doit permettre de « renouveler les modalités de dialogue entre le culte musulman et l’État » et de lutter contre l’influence de « structures occultes ». Mais derrière ce beau projet, la réalité semble bien différente.
Ainsi, depuis un an, l’exécutif entretient le mystère sur la composition du FORIF. Jamais une liste exhaustive des parties prenantes n’a été communiquée. À la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio qui s’inquiète à plusieurs reprises du flou autour de ce nouveau forum et du possible entrisme des Frères musulmans, le gouvernement se contente de répondre : « Les participants au FORIF sont des acteurs du culte musulman actifs dans leur territoire, ayant donné leur accord pour travailler au niveau national avec l’État. » Une réaction qui est loin de rassurer la sénatrice engagée contre l’influence des réseaux fréristes en France. Seuls quelques noms, parmi les nombreux membres nommés par les préfets, ont filtré dans la presse à la suite de la première réunion du FORIF. Si certains apparaissent comme des tenants de l’islam modéré en France, d’autres entretiennent une proximité plus ou moins grande avec les Frères musulmans.
Parmi ces personnalités, on trouve d’abord Tareq Oubrou, l’imam très médiatique de Bordeaux. Celui qui assumait jadis sur un plateau de France 2 avoir « été Frère musulman [jusqu’en mai 2018, NDLR] et salafiste » assure aujourd’hui s’être repenti. Cependant, il confie rester encore proche des Musulmans de France (ex-UOIF) « pour partager ses convictions et ses travaux ». À ses côtés, Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne (Rhône), a été élu sous l’étiquette de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), instance réputée proches des Frères musulmans. Alors que le FORIF promet « travaille avec l’État sur des sujets structurants pour le culte musulman », Gaci, tout comme Kamel Kabtane, également membre du forum, a refusé de signer la charte des principes de l’islam de France en 2021. Participent également au FORIF un enseignant à l’Institut européen des sciences humaines, établissement « créé par les Frères musulmans », selon Florence Bergeaud-Blackler, auteur du livre Le Frérisme et ses réseaux : l’enquête (Odile Jacob), ainsi que le recteur de la grande mosquée de Paris, dont la proximité avec l’Algérie n’est plus un mystère.
Cette vidéo surréaliste sur France 2 de Tareq Oubrou, l'imam préféré de la République française :
— Philippe Murer 🇫🇷 (@PhilippeMurer) October 23, 2020
"J'ai été frère musulman (jusqu'en 2018), j'ai été salafiste, j'étais à 2 doigts de partir faire le djihad en Afghanistan". pic.twitter.com/YAX6NStnMu
Lutte contre les actes anti-musulmans
Cette proximité apparente avec les réseaux fréristes n’est pas sans conséquence au vu des thématiques d’étude choisies par le FORIF. Plutôt que le séparatisme islamique et la montée de l’islamisme, le forum a choisi de se concentrer sur la professionnalisation et le recrutement des imams, la formation des aumôniers, le droit et la gestion des associations exerçant le culte musulman et, enfin, la sécurisation des lieux de culte musulmans et la lutte contre le actes anti-musulmans. Ce dernier point, présenté dès le début de la rencontre de ce 16 février, fera l’objet d’un guide à destination des musulmans qui se disent ou se sentent victimes, sûrement à l’image de ce que réalise déjà le Collectif contre l’islamophobie en Europe (ex-CCIF).
Comme l’explique Florence Bergeaud-Blackler dans son livre, on retrouve là l’essence même de la stratégie frériste. « Le victimisme est devenu l’arme redoutable du soft-power frériste pour faire plier les démocratie en les maintenant dans l’émotion permanente et aveuglante de l’indignation », analyse la chargée de recherche au CNRS.
Clémence de Longraye
Source : http://bvoltaire.fr
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