Pourquoi Mylène Demongeot nous manque déjà…
Dieu que les apparences peuvent être trompeuses ! Mylène Demongeot, née en 1935, était l’incarnation parfaite, mutine et rieuse de la jolie fille de Français moyens. Tout faux. Le père, Alfred Demongeot, est un haut fonctionnaire du ministère de l’Économie nationale. La mère, Claudia Troubnikova, fait partie de l’élite ukrainienne. Et la jeune Mylène de fréquenter les pensionnats catholiques les plus huppés de Nice tout en révélant ses talents au piano. Mozart et Chopin n’avaient pas de secrets pour elle, dit-on.
Le monde du spectacle est un virus qu’elle attrape tôt, fréquentant assidûment le fameux cours Simon, après avoir posée nue. Certes, elle était encore un bébé potelé et dévoilait ses charmes naissants pour le savon Cadum™. La morale est sauve.
Après quelques petits rôles lui permettant de faire valoir sa charmante frimousse, elle connaît un début de consécration en 1957, avec Les Sorcières de Salem, film réalisé par Raymond Rouleau sur un scénario de Jean-Paul Sartre, avec Yves Montand et Simone Signoret. Le tournage ne se passe pas très bien, cette dernière lui lançant, peut-être jalouse ou pas vraiment convaincue par la prestation de la jeunette : « Tu pourras toujours faire des ménages ! » Il est vrai que Mylène Demongeot, ce n’est pas exactement Bette Davis. Et alors ?
Pour commencer, elle joue autrement mieux que sa grande rivale – depuis devenue sa meilleure amie – Brigitte Bardot. Mais, surtout, elle irradie l’écran. Mylène est belle, cela se voit. Elle est gentille, cela se sent et se sait. Un an plus tard, dans Bonjour tristesse (1958), d’Otto Preminger, adapté du roman de Françoise Sagan, Mylène Demongeot rivalise de grâce et d’aisance face à Jean Seberg. Sa carrière est lancée.
Le reste suit : 77 films, 21 téléfilms et 10 pièces de théâtre. Le moins qu’on puisse prétendre est qu’elle touche à tout, gambadant allègrement du théâtre d’auteur à celui de boulevard, de metteurs en scène artistes aux artisans de talent. C’est principalement en ce genre qu’elle excelle. Le flamboyant La Bataille de Marathon (1959), de Jacques Tourneur, sans oublier le réjouissant Furia à Bahia pour OSS 117 (1965), d’André Hunebelle, où elle fait tourner la tête de ce cher Hubert Bonnisseur de La Bath, agent secret français ayant précédé un certain James Bond, à la fois sur papier et grand écran.
C’est le même André Hunebelle qui lui donne un autre de ses rôles les plus marquants, la délicieuse Hélène, dans la fantabuleuse trilogie des Fantomas, où elle parvient – qui l’eût cru ? – à s’imposer face à ces deux monstres sacrés qu’étaient alors Louis de Funès et Jean Marais. Dans un semblable registre, Bernard Borderie lui offre le rôle de Milady dans une autre trilogie consacrée aux mousquetaires d’Alexandre Dumas. Petite erreur de distribution : Mylène Demongeot n’est guère convaincante en aristocrate manipulatrice. Le rôle de l’accorte et piquante lingère Constance Bonacieux lui aurait sûrement mieux convenu. Trop tard et tant pis. Notons que l’un de ses derniers rôles, qui lui valut un regain de célébrité tardive, elle le doit à Fabien Onteniente et son Camping (2006). Elle vient de dépasser les 70 printemps, mais demeure belle comme jamais, tout en demeurant au sommet de son art, poignante qu’elle se dévoile en Laurette Pic, épouse de son Jacky de mari, inoubliable Claude Brasseur en vieux schnock atrabilaire. Le film est un triomphe public. Et, au-delà de la simple comédie, il n’est pas interdit d’y voir une anticipation de cette France périphérique en vacances, pas loin de passer du jaune du pastis à celui des gilets. Rien que pour ça, on lui pardonnera d’avoir figuré sur la liste de Bernard Tapie aux élections régionales de 1992.
Pour la petite Histoire, Michel Marmin, ancien critique cinématographique du Figaro et de Valeurs actuelles, nous confie, en ce triste jour : « L’écrivain de romans policiers Léo Malet était fou d’elle… Dans son Journal secret (et posthume), que j’ai édité au Fleuve noir avec Francis Lacassin, il raconte un rêve érotique dont elle était l’héroïne (et lui le bénéficiaire). L’éditeur nous l’a fait retirer de peur de représailles judiciaires, non de sa part, mais de celle de Marc Simenon, son époux. Quelle andouille… » Il est vrai que le fils de Georges Simenon demeura à jamais le grand amour de sa vie, malgré trente années de vie commune assez peu… commune.
On parie que Mylène Demongeot est partie le rejoindre là-haut ? Oui, mais nous voilà désormais bien seuls.
Nicolas Gauthier
Source : http://bvoltaire.fr
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