Immigration : le gouvernement redistribue les visas à volonté au Maghreb
Ce dimanche 18 décembre, Gérald Darmanin s’est rendu à Alger pour annoncer « la reprise d’une relation consulaire normale » entre la France et l’Algérie. Après avoir réduit drastiquement le nombre de visas accordés aux pays du Maghreb, la France fait marche arrière et accepte « un retour à la normale ».
Reprise de la coopération
La visite aurait pu passer inaperçue. Alors que les Bleus affrontaient l’Argentine dans une finale de Coupe du monde historique, Gérald Darmanin annonçait, depuis Alger, le « retour à la normale » des relations entre la France et l’Algérie. Après avoir rencontré le président Tebboune pour évoquer, entre autres, la coopération migratoire entre les deux pays, le ministre de l’Intérieur annonçait « la reprise, depuis lundi dernier [le 12 décembre, NDLR], d’une relation consulaire normale ». Loin d’être isolée, cette visite en Algérie fait suite à un déplacement de Catherine Colonna à Rabat, le 15 décembre dernier. Le ministre des Affaires étrangères y a notamment évoqué le rétablissement d’une « relation consulaire normale » avec le Maroc.
Ces deux déclarations viennent donc mettre fin à la « crise des visas » engagée par Emmanuel Macron à l’automne 2021. À l’époque, à six mois de l’élection présidentielle, le chef de l’État avait décidé de diminuer drastiquement le nombre de visas accordés aux pays du Maghreb tant que ces mêmes pays n’acceptaient pas le retour de leurs ressortissants vivant illégalement sur le sol français. L’exécutif avait alors réduit de moitié le nombre de visas pour l’Algérie et le Maroc, et de 30 % pour la Tunisie. La fin de la crise des visas devrait donc créer un appel migratoire en provenance du Maghreb. Si les chiffres des visas délivrés reviennent à la normale, la France se préparerait à accueillir de nouveau, chaque année, 275.000 Algériens, 145.000 Tunisiens et 346.000 Marocains (chiffres avant la « crise des visas »).
L’Algérie et le Maroc refusent encore leurs ressortissants
Depuis l’été dernier, la visite d’Emmanuel Macron à Alger a enterré les discours de fermeté vis-à-vis du Maghreb. Et ce, alors même que l’Algérie et le Maroc persistent dans leur immobilisme. En effet, si la coopération dans le domaine migratoire avec Tunis est plus fluide, Alger et Rabat continuent de faire la sourde oreille et refusent de délivrer des laisser-passer consulaires - sésames pour l’expulsion - à leurs ressortissants sous le coup d’une OQTF.
Un courriel de la direction générale des étrangers en France (DGEF), envoyé en décembre 2021 et dévoilé par nos confrères de StreetPress et Mediapart, indique ainsi que « les autorités centrales algériennes n’acceptent plus aucun retour forcé depuis la France ». Et de préciser : « Alger a donné des instructions à son réseau consulaire en France de ne plus assurer aucune audition consulaire et de n’accorder aucune délivrance de leur laisser-passer consulaire. » Une information confirmée par les chiffres de l’immigration. Ainsi, comme le note le sénateur François-Noël Buffet (LR) dans son rapport sur « Les services de l’État et l’immigration », publié en mai dernier, « l'éloignement des ressortissants de pays du Maghreb s'est caractérisé par d'importantes difficultés sur la période récente ». En Algérie, si 1.652 éloignements forcés ont été réalisés en 2019, on n’en compte plus que 34 en 2021 et seulement 5 sur les deux premiers mois de 2022. De même au Maroc où, après 867 expulsions réalisées en 2019, seules 170 ont été effectuées en 2021 et 6 sur les deux premiers mois de 2022. Des chiffres bien éloignés des attentes d’Emmanuel Macron…
Le changement de stratégie du gouvernement laisse donc perplexe. Quelles sont les contreparties du rétablissement des visas ? Les autorités algériennes et marocaines acceptent-elles, désormais, de reprendre leurs ressortissants visés par une OQTF ?
Clémence de Longraye
Source : http://bvoltaire.fr
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