Le Nobel à Annie Ernaux : la star des rectorats l’emporte sur celle des librairies, Houellebecq
C’est un Nobel consolateur pour nos intellectuels français de gauche. Un Nobel câlin, bienvenu dans le concert de claques qui s’abat sur le mélenchonisme depuis son entrée au Parlement. Non, la gauche des années 70 n’est pas tout à fait bottée hors de l’Histoire ! La preuve ? Annie Ernaux vient de décrocher le Nobel de littérature. L’écrivain, soutien passionné de Mélenchon durant la dernière présidentielle, reçoit donc, à 82 ans, la récompense suprême, saluée avec émotion par son maître.
Annie Ernaux, Nobel de littérature. On en pleure de bonheur. Les lettres francophones parlent au monde une langue délicate qui n'est pas celle de l'argent.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) October 6, 2022
Annie Ernaux double au portillon… l'écrivain Michel Houellebecq, pressenti depuis des mois pour cette distinction. Et pourtant... Houellebecq a saisi comme personne le désespoir de nos contemporains. Des hommes ou des femmes que le « progrès » tant espéré par Annie Ernaux et ses amis ont plongés dans le désespoir. Le héros de Houellebecq vit sous le ciel bouché par l’école de réalisme plat du Nouveau Roman. Il respire dans les ruines accumulées par cette incroyable démolition civilisationnelle poursuivie des décennies durant. Il incarne l’errance et le malheur des enfants littéraires d’Annie Ernaux. À elle, la gloire du Nobel. À lui, l’invention et la lucidité que le temps reconnaîtra.
Mais tout travail de destruction mérite salaire et il faut reconnaître qu’Annie Ernaux s’est donné du mal. Elle doit beaucoup à la gauche et à… l’école.
Reconnaissante, elle a tenu à leur rendre les bienfaits dont ils l’ont comblée. « Je m’engage car j’ai honte de voir le néolibéralisme détruire les individus et leur environnement, d’entendre des messages de haine contre une partie de la population, et honte de ne rien dire, de ne rien faire », expliquait-elle en rejoignant le Parlement de l'Union populaire et en affichant son soutien au programme L'avenir en commun de Mélenchon, en 2021. À la revue Politis, elle confie : « Être de gauche, c’est un regard sur soi et sur le monde, sur soi dans le monde : voir l’Autre, qu’il soit malien ou chinois, hétéro ou homo, catholique, juif ou musulman, gitan, SDF, voire criminel, pédophile, comme d’abord semblable à soi et non pas d’abord différent, d’abord étranger. » Original. Jamais vu, même ! Du grand Annie Ernaux.
Pour être adulée des cerveaux politiquement corrects, Annie Ernaux a tout fait bien comme il faut, soulignant les titres en rouge, en première de la classe appliquée. Elle s’est racontée jusqu’à plus soif, au fil de ses livres. « Récapitulons, écrivait Frédéric Beigbeder dans Le Figaro. En un demi-siècle, Annie Ernaux a successivement écrit sur son père, sa mère, son amant, son avortement, la maladie de sa mère, son deuil, son hypermarché. » L’excellent Beigbeder a oublié le récit de ses origines modestes, sa première expérience sexuelle ou sa lutte contre le pouvoir des hommes. Le tout sans distance, sans ironie, sans élévation, sans souffle, sans drôlerie. Scolaire. Bien sage, bien lisse, bien comme il faut.
Banco ! Elle est devenue l’idole des rectorats de province. Lue en classe, donnée au bac de français à une cadence jamais vue, présentée comme un immense auteur par tous les professeurs de lettre gauchistes, Annie Ernaux a vendu moins de livres que Houellebecq mais elle a fait un carton chez les élèves de terminale. Bien obligés d'acheter ses œuvres… Frédéric Beigbeder (encore lui), visionnaire, s’en régala dans Le Figaro, en 2016 : « Il semble que la célébration de Mme Ernaux soit devenue obligatoire en France. Son dernier livre, Mémoire de fille, est unanimement salué par une critique béate. Le public suit. Les éditions Gallimard ont rassemblé son œuvre en un gros volume sous le titre Écrire la vie. La Pléiade est pour bientôt, le Nobel imminent, l'Académie s'impatiente et ma fille l'étudie au lycée. Une suggestion à François Hollande : ouvrir le Panthéon aux vivants, spécialement pour Mme Ernaux. Seul Maxime Gorki a connu une gloire comparable, dans l'URSS des années 30. Il est permis de se méfier d'une telle sanctification collective. »
Ce parcours de bonne élève s’est appuyé sur l'accélérateur de carrière des écrivain de gauche : la pétition. Lors du scandale né de la parution du texte sur le terroriste suédois Breivik, elle n’écouta que son courage et lança une pétition dans Le Monde expliquant pourquoi « le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature ». Elle fut aussitôt soutenue par la quasi-totalité de ce que la France compte de Trissotins des lettres. Ce qui fit le régal de Patrick Besson dans Le Point.
Restait à Annie Ernaux à soutenir les gilets jaunes ou à pétitionner en faveur de la militante indigéniste Houria Bouteldja. À cette copie parfaite, il ne manque que le courage, la lucidité et le génie. C'est à dire rien, apparemment, pour le jury du Nobel.
Marc Baudriller
Source : http://bvoltaire.fr
Commenter cet article