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Le blog politique de Thomas JOLY

Brésil : la gauche groggy suite au mauvais score du vieux communiste corrompu Lula

5 Octobre 2022, 13:36pm

Publié par Thomas Joly

Les Brésiliens votaient, le 3 octobre, pour élire le président de la République, les députés, un tiers des 81 sénateurs et les gouverneurs de 27 États. Depuis des semaines, les sondages prédisaient une victoire écrasante à Luiz Inácio Lula da Silva : selon l’institut de sondage Datafolha cité par Le Figaro, Lula était donné vainqueur dès le premier tour par 50 % contre 35-36 % des voix à Jair Bolsonaro. Un autre sondage les donnait respectivement à 52 % et 34 %.

Hélas pour la gauche du monde entier, le duel entre Lula, figure de l’extrême gauche brésilienne, ancien président de la République de 2002 à 2010 et grand favori de cette élection, opposé à Jair Bolsonaro, l’ex-capitaine de l’armée brésilienne élu en 2018 avec 55 % des voix, ne s’est pas exactement déroulé comme prévu. Plutôt qu’un écart de 15 points, seuls 5 % des électeurs départagent les deux candidats : 57 millions de voix, soit 48,4 %, pour Luiz Inácio Lula da Silva, contre 43,20 % et 51 millions de voix (2 millions de plus qu’en 2018) pour Jair Bolsonaro. Le second tour, qui aura lieu le 30 octobre, sera donc serré.

Première réflexion, le bolsonarisme s’est ancré dans une partie de la population. Le cœur de son électorat - les classes urbaines désireuses de sécurité, les entrepreneurs dans le domaine agricole et les évangéliques - s’est mobilisé et le président sortant peut aujourd’hui revendiquer un certain nombre de députés, de sénateurs, de gouverneurs d’États. Ainsi Ricardo Calles, ministre de l’Environnement du gouvernement sortant est élu, de même que Claudio Castro, élu gouverneur dès le premier tour à Rio de Janeiro (France 24).

Il semble donc que l’élection du futur président se jouera grâce à l’apport décisif des petits partis, qui semblaient écrasés par le duel de titans, très polarisé, qui s’est déroulé dimanche dernier. Ainsi, explique à France 24 Bruna Santos, du Brazil Institute au Wilson Center de Washington, « c'est le bolsonarisme qui a gagné ce premier tour. […] Nous aurons un second tour dans un environnement extrêmement polarisé et les électeurs de Simone Tebet (centre droit, 4 % des voix) et Ciro Gomes (centre gauche, 3 %), près de 8 millions de personnes, vont décider qui sera le prochain président. »

Qu’a-t-il manqué à Lula pour l’emporter dès le premier tour, ce qui semblait possible ?

Sont-ce ses prises de position en faveur de la dépénalisation de l’avortement, dans un pays où il est fortement retreint et où les évangéliques sont en croissance exponentielle (près d’un tiers de la population dans le - pourtant – plus grand pays catholique du monde) ?

Est-ce son âge, 76 ans ? Sont-ce les soupçons de corruption qui restent attachés à son parti et à ses deux mandats et dont il a reconnu l’existence en août 2022, en déclarant à contrecœur : « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de corruption si les personnes [l’]ont reconnu [...] J'ai maintenant l'occasion pour la première fois de parler ouvertement avec le peuple, en direct [...], la corruption n'apparaît que quand vous permettez qu'on enquête dessus » (cité par Le Figaro) ?

Est-ce tout simplement son programme, notamment en matière de sécurité, qui est un élément fondamental du vote des Brésiliens ? Selon le média Globo, la prévention est le maître mot de la stratégie luliste et de son parti, le Parti des travailleurs (PT) : « Le protocole de sécurité publique devrait être guidé par la qualification de l’action policière et donner la priorité à "la prévention, l’enquête et le traitement des crimes et des violences contre les femmes, les jeunes noirs et la population LGBTQIA+". » Tandis que, sur le front de la lutte contre la drogue, véritable fléau au Brésil, le candidat du Parti des travailleurs propose d’élaborer une nouvelle politique contre les crimes organisés et les trafics de drogue, basée sur la prévention et sur le démantèlement des réseaux, en donnant davantage de moyens aux services de renseignement.

Est-ce sa vision très étatiste et très interventionniste de la politique économique, dans un pays où 9,9 millions d'habitants sont au chômage, où l’inflation atteint 12 % et où 33 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim ? Pourtant, lui qui promet de la viande pour tout aurait dû bénéficier des faveurs des classes défavorisées. Proposer, aujourd’hui, les recettes des années 2000 - on lui avait alors attribué un miracle économique dû en grande partie au boom économique de l’Amérique du Sud - convient-il encore en période de crise économique et sociale profonde ?

Est-ce, encore, l’anti-américanisme structurel de la gauche brésilienne et du PT, celui-là même qui a soutenu Jean-Luc Mélenchon aux dernières élections, et qui lui a fait aborder une attitude dissonante à l’égard du conflit russo-ukrainien ? Aujourd’hui et jusqu’au 30 octobre, les jeux sont ouverts. Chacun des deux camps peut espérer l’emporter. Mais le vainqueur affrontera un contexte social, économique et sécuritaire explosif.

Marie d'Armagnac

Source : http://bvoltaire.fr

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