Macron prépare les Législatives avec le mort-vivant Chevénement
Dans un article du 2 avril dernier, l’hebdomadaire Marianne rapporte que Jean-Pierre Chevènement s'apprêterait à créer une nouvelle formation politique, Refondation républicaine, et négocierait actuellement avec la Macronie une dizaine de circonscriptions gagnables pour les élections législatives de juin, « situées dans des zones marquées par la désindustrialisation » et « identifiées comme des “territoires de conquête”, c'est-à-dire sans députés LREM sortants ».
Le ralliement de Chevènement, formalisé en février dernier dans Le Journal du dimanche, est emblématique de la stratégie macronienne : ratisser le plus large possible en multipliant les profils les plus divers (et les plus opposés) mais tous calés sur des segments électoraux bien précis à même de faire voler en éclats toute opposition consistante. Le Figaro, le 4 avril dernier, évoquait ainsi la « nébuleuse de partis chargés de chasser à gauche et à droite » pour le compte du Président-candidat. Il n’en demeure pas moins qu’avec la prise du « Che », dont le profil est si opposé au sien, Macron réussit un beau « coup politique ».
On s’amuse, à la lecture de Marianne, devant l’explication de Chevènement en guise de justification : « Le Emmanuel Macron de 2022 n'est plus le Emmanuel Macron de 2017. » Effectivement, s’il y a bien une constante, chez Macron, c’est le changement permanent ! Et sa capacité à se métamorphoser en fonction de son interlocuteur.
Souvenons-nous de sa visite, tout aussi improbable, à Philippe de Villiers au Puy du Fou, en 2016. Il confiait, à l’époque, aux journalistes présents : « L’honnêteté m'oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste. » Ni de droite, ni de gauche, tout à la fois. De Villiers, troublé, se laissait séduire par cet « homme intelligent et pas sectaire » sur lequel il pensait pouvoir exercer une certaine influence.
C’est la face psychologique de la stratégie macronienne. Le psychanalyste Jean-Pierre Friedman évoque, chez certains politiques, cette figure du « stratège enveloppeur » qui mêle à la perfection la ruse et la séduction. Dans leur enquête consacrée à Macron, Le Traître et le Néant, les journalistes Davet et Lhomme font état de leur incapacité à cerner cet « homme à la fois évanescent et impalpable » qui « s’est emparé de la couronne de France après avoir, sans le moindre état d’âme, piégé et dupé – personnellement comme idéologiquement – une grande partie de ceux dont il semblait proche ». Macron a su déployer auprès de Chevènement cette même stratégie qui débute par une phase d’habile séduction et, une fois la proie ferrée, se poursuit par son instrumentalisation politique.
En février dernier, le Président s’était rendu à Belfort, ville dont Chevènement avait été le maire, afin d’annoncer la création d'un programme nucléaire de quatorze EPR. L’Express relatait toutes les attentions auxquelles se livrait un Macron enjôleur : « Je veux saluer Jean-Pierre Chevènement, qui depuis des décennies se bat sur ce dossier qui n'a ménagé personne ; toujours avec beaucoup de rigueur, d'engagement et de justice - y compris votre serviteur - et ce dossier trouve aujourd'hui un aboutissement. » Et L'Express de préciser : « De retour à Paris, l'ex-ministre de Mitterrand appelle l'Élysée pour dire “son émotion”. »
Dans le même article, la journaliste de L’Express insiste sur le fait que « beaucoup dans l'entourage d'Emmanuel Macron » espèrent, à ce moment-là, recueillir le soutien d'un « poids lourd de la gauche ». Ce sera chose faite, quelques jours plus tard, dans le JDD, avec un Jean-Pierre Chevènement dithyrambique qui déclare apporter, pour la présidentielle, son « soutien républicain à un Emmanuel Macron » dont il vante les « qualités remarquables et une expérience dont nul autre ne peut se prévaloir ».
À charge, désormais, pour la future formation politique du « Che », de conquérir, en juin prochain, des terres désindustrialisées comme Belfort. Céderont-elles aux sirènes des sous-traitants du Président ? Les électeurs se souviendront, peut-être, du rôle joué par Macron, lorsqu’il était ministre de l’Économie, dans la cession d’Alstom à General Electric. Le groupe américain promettait la création d’un millier d’emplois. Finalement, il en aura supprimé huit cents.
Frédéric Lassez
Source : http://bvoltaire.fr
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