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Le blog politique de Thomas JOLY

Comprendre l'augmentation délirante du prix du carburant

28 Mars 2022, 06:25am

Publié par Thomas Joly

Depuis plusieurs mois, les prix des carburants à la pompe s’affolent. En de nombreuses stations-service, le litre de sans plomb dépasse allègrement les deux euros. Ponctionnant toujours un peu plus le pouvoir d’achat des Français les plus modestes, il met aussi en difficulté de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, il s’agit d’une potentielle bombe sociale. N’oublions pas que le mouvement des gilets jaunes s’est amorcé en filigrane de l’augmentation de la taxe sur le litre de gazole.

Pour la plupart d’entre nous, les prix des carburants sont relativement opaques. Essayons donc de comprendre comment ils sont construits et ce que vous payez quand vous vous approvisionnez à la pompe !

Les prix de l’essence et du diesel dépendent d’abord du cours du pétrole. Or, la demande de pétrole reste aujourd’hui vigoureuse, tandis que l’offre se raréfie à la suite de la baisse drastique des investissements qui, depuis 2014, ont été réduits de moitié. En conséquence, depuis début 2021, les cours se sont envolés, passant de 50 dollars par baril, début 2021, à 110 dollars aujourd’hui. La guerre russo-ukrainienne a évidemment amplifié la tendance.

Ce pétrole, nous l’achetons en dollars. Le prix à la pompe est donc fortement affecté par le change euro/dollar. En 2011, l’euro valait 1,4 dollar et le baril de pétrole 110 dollars ; chaque litre de pétrole brut nous coûtait alors 0,49 euro. Avec le taux de change actuel autour de 1,1, ce même litre de pétrole brut nous coûte 0,63 euro, soit 28 % de plus.

Pour en extraire l’essence et le diesel, le pétrole brut doit être raffiné. D’un litre de pétrole brut, on extrait environ 46 % de carburant, mais aussi du fioul domestique, du kérosène, du GPL ou encore de l’asphalte et du coke. Tous ces composants extraits n’ont évidemment pas la même valeur marchande et leurs cours respectifs dépendent, entre autres, de l’offre et la demande sur leur propre marché. Ainsi les prix de l’essence ou du diesel sont-ils nettement supérieurs à celui du fioul domestique ou du kérosène. La « marge de raffinage » intègre le coût technique du raffinage mais aussi les conditions de marché du moment. Au cours des dernières semaines, elle était de l’ordre de 8 centimes d’euro par litre.

À la marge de raffinage vient se rajouter la marge de distribution. Cette dernière intègre les frais logistiques de transport, les frais d’exploitation de la station, mais reflète aussi les conditions de concurrence sur les marchés nationaux. Elle fera la différence de prix entre une station dans Paris intra-muros, sur autoroute ou dans une grande surface. En moyenne, sur le territoire français, elle est de l’ordre de 17 centimes d’euro par litre.

La somme du prix du baril, de la marge de raffinage et de la marge de distribution constitue le prix HT du carburant. Avec un baril actuellement à 110 dollars et un taux de change à 1,1, le prix HT du SP95 est de l’ordre de 0,88 euro par litre.

Deux taxes s’appliquent sur les carburants. La première est la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, ou TICPE. Elle est d’environ 0,70 euro pour le SP95 et se rajoute au prix hors taxe. La seconde est la TVA, dont le taux de 20 % s’applique sur le produit hors taxes mais aussi sur la TICPE. Ces deux taxes conduisent à un prix TTC de 1,9 euro par litre.

En relatif, le pourcentage de taxes s’accroît quand le prix du baril diminue et que le taux de change est davantage favorable. Aujourd’hui, avec un baril à 110 dollars et un taux de change à 1,1, les taxes représentent 54 % du prix à la pompe. Avec un baril à 50 dollars et un taux de change à 1,4, la part des taxes monterait à 68 %.

En revanche, un prix du baril élevé et un taux de change défavorable augmentent les taxes dans l’absolu. Dans la situation actuelle, les taxes représentent 1,02 euro par litre, alors qu’avec un baril à 50 dollars et un taux de change de 1,4, elles n’auraient atteint que 93 centimes.

Quand le prix du baril augmente, la recette de l’État s’accroît. Ainsi, le doublement des prix du pétrole entre 2021 et 2022 ponctionnera 3,5 milliards d’euros supplémentaires dans la poche des Français.

La promesse de campagne de Marine Le Pen ou de Valérie Pécresse de baisser la TVA de 20 % à 5,5 % réduirait mécaniquement le prix du SP95 de 23 centimes et ramènerait le poids des taxes à 47 %. Bénéfique pour le consommateur, cette mesure représente pour l’État un manque à gagner de 10 milliards d’euros.

Découpler les taxes du prix du baril pour éviter cet insupportable ressenti d’un État qui s’enrichit quand les prix de l’énergie flambent nécessiterait de supprimer totalement la TVA et de compenser en partie cette perte par une augmentation raisonnable de la TICPE, qui resterait alors la seule taxe. Dommage qu’aucun candidat à la présidentielle n’ait choisi cette option.

Philippe Charlez

Source : http://bvoltaire.fr

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