À Toulon, Marion Maréchal a sauté le pas
« Elle est blonde comme une sirène ! Elle est belle ! » C’est par ces mots galants très « old school » - qui ont, du reste, fait lever les yeux au ciel de quelques journalistes - que Philippe de Villiers, sur la scène, a accueilli Marion Maréchal à Toulon devant un parterre de 8.000 personne et encore 75.000 par écran interposé. Philippe de Villiers a le sens de la formule, la métaphore était bien trouvée : c’est les bras en l’air, comme un pêcheur qui doit lever haut sa canne à pêche tant le poisson est gros, qu’Éric Zemmour a entraîné Marion Maréchal sur la scène. Après Jérôme Rivière, Gilbert Collard, Stéphane Ravier, Nicolas Bay et quelques autres moins médiatiques, elle est le bouquet du feu d’artifice, le point d’orgue et, on imagine, le point final, au moins pour les pointures, du « supplice chinois » promis par Gilbert Collard à Marine Le Pen.
Cette petite sirène-là, en revanche, n’a rien perdu de sa voix. De mauvaises langues, sur les réseaux sociaux, suggèrent même qu’elle pourrait donner des cours à une certaine Valérie Pécresse. Jamais, peut-être, « Reconquête », le parti d’Éric Zemmour, n’a porté mieux son nom que dimanche après-midi : Marion Maréchal reconquiert son public, avec le charisme qu’on lui sait, sa faculté d’insuffler de l’espérance, et son ventre arrondi - elle est enceinte de cinq mois - vient en quelque sorte incarner cette renaissance et cette promesse. « Ma chère Marion, j’ai toujours eu l’intuition qu’un jour, nous allions nous battre un jour pour la France », lui lance, les yeux pleins d'étoiles, Éric Zemmour. « Éric, nous n’avons pas la même origine, religion, parcours politique, nous n’appartenons pas à la même génération. Malgré tout, nous sommes unis par la force qui unit des millions de Français », lui répond-elle sur le même ton. Pour la première fois, Éric Zemmour se fait presque voler la vedette à son propre meeting.
Mais Marion Maréchal reconnaît que la prise de décision a été difficile. D’autant que le plan ne s’est pas déroulé comme prévu. Elle avait initialement affirmé qu’elle rejoindrait le mieux placé - de sa tante et d’Éric Zemmour. Comme l’entourage d’Éric Zemmour un peu trop sûr de son poulain et n’ayant pas prévu (qui l'aurait pu ?), que Vladimir Poutine serait contre toute attente son meilleur ennemi, elle était persuadée que celui-ci dépasserait rapidement sa concurrente. Mais Marine Le Pen ne s’est pas effondrée, et a même continué de rester en tête. L'argument ne tient donc plus. « Je suis convaincue qu’Éric Zemmour est le mieux placé dans cette présidentielle. Ce n’est pas une question de sondage mais de perspective politique. La politique, c’est une dynamique, c’est une relation qui se tisse avec les Français », justifie-t-elle pour ne pas sembler se dédire. Et pour enfoncer le clou, elle explique que son choix n'est pas seulement tactique ("je me range derrière le meilleur"), mais de fond : « Avec lui, je sais qu’il n’y aura ni compromission dans les idées, ni renoncement dans les actions » (Valeurs actuelles).
Au sein du RN, même si le départ était déjà acté, les critiques fusent durement. Difficile, comme pour d’autres, de dire de Marion Maréchal qu’elle n’est rien ni personne. Le député européen RN André Rougé la traite de « pitoyable pimbêche » dont « le seul but est de déstabiliser Marine Le Pen », avant de retirer son tweet. Mais quid des militants de base et des électeurs du RN, pour lesquels elle était une sorte de Jeanne d'Arc auréolée ? L'aiment-ils encore assez pour lui emboîter le pas quoi qu'il arrive ou, au contraire, l’icône sans tache qu’elle était sera-t-elle égratignée par ce grand saut, que son grand-père lui a reproché par avance, il y a quelques semaines, comme une infidélité familiale, et que sa tante a su déjà tourner à son avantage médiatique ?
Et ce n’est pas seulement de l’avenir politique d’Éric Zemmour qu'il s’agit ici. Mais surtout du sien.
Gabrielle Cluzel
Source : http://bvoltaire.fr
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