Vers plus de flicage numérique sous prétexte sanitaire ?
Le Sénat se charge de dérouler le tapis rouge au flicage numérique. Un rapport de la haute assemblée préconise de créer une plate-forme de crise activable en cas d’urgence sanitaire. Elle permettrait la récupération de données personnelles tous azimuts, disponibles dans de nombreux systèmes, de façon à pouvoir adosser l’action de Santé publique à des données aussi fiables et pertinentes que possibles.
Une telle plate-forme pourrait, par exemple, envoyer un rappel à l’ordre ou invalider un titre de transport ou bloquer le compte bancaire d’un quidam qui violerait une quarantaine. Mais c’est pour le plus grand bien de tous, c’est pour ne confiner que ceux qui présenteraient un risque élevé, par exemple. Et puis c’est forcément dans un cadre très limité, exceptionnel, bien balisé : une crise sanitaire. Ce n’est pas pour coincer Martin Duchmol, en arrêt de travail et censé rester à domicile mais qui a saisi son code de carte bleue à 15 h 2 à la Brasserie Trucmuche située à 17,5 km de chez lui. C’est pour mieux soigner les personnes qui en ont le plus besoin.
Interconnecter les fichiers. Toutes les polices en rêvent. Nombreuses sont celles qui le font, à différentes échelles, sans y être forcément autorisées par la loi. Avec les fichiers qui se causent, c’est comme avec les fusions d’entreprises, une espèce d’arithmétique contre-intuitive où 1 + 1 pourrait parfois faire plus que 2. L’association de deux informations brutes permet d’en déduire une troisième, pertinente pour une prise de décision optimisée, mieux ciblée. Les divers renseignements qui sont inscrits à votre sujet dans tant de fichiers gérés par maints logiciels hétérogènes sont beaucoup plus éloquents sur vous s’ils ont été rendus interopérables. C’est ainsi qu’un grand pays démocratique et populaire comme la Chine parvient à noter le civisme de ses citoyens en croisant des multitudes de données. Demain, en France ?
Bien sûr, il conviendrait parfois de croiser des fichiers, de les inter-opérer entre eux. Les raisons qui le justifieraient sont, par exemple, pour lutter contre les 50 milliards de fraudes sociales que dénonce Charles Prats ou contre le terrorisme. Mais un contrôle strict a priori et a posteriori de magistrats qualifiés devrait être, dans ces cas, organisé. La crise sanitaire du Covid dont la criticité perçue, dopée par une rhétorique officielle angoissante, devance de très loin celle qui est objectivement mesurée justifierait-elle d’une telle mesure d’exception ? Se poser la question est légitime.
Le sénateur René-Paul Savary a raison de le dire : nous semons beaucoup (trop ?) de données personnelles, glanées par les GAFAM qui en usent pour leur plus grand profit et nous sommes réticents à les partager avec l’État, qui pourtant ne voudrait que nous protéger. Sauf que voilà, le vulgum pecus lambda n’a pas forcément confiance. Ni dans ses parlementaires, ni dans la tête de l’exécutif, à peine plus dans sa Justice. En démocratie, la fin, même à supposer qu’elle soit vertueuse, qui justifierait de tous les moyens, ça ne va pas jusqu’à signer indéfiniment des chèques en blanc. Ou alors cette démocratie n’est plus authentique, trop édulcorée. Encore une question légitime à se poser.
Les sénateurs insistent : « Nous ne proposons pas de limiter les libertés, nous cherchons un moyen de les retrouver. » C’est beau comme 1984 : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »
Rémy Mahoudeaux
Source : http://bvoltaire.fr
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