État d’urgence sanitaire : une drogue dure gouvernementale ?
Les jambes des femmes se découvrent enfin, les ongles de pieds sont repeints de neuf comme la devanture du café qui a enfin rouvert. La terrasse est bondée dans le respect, cela va sans dire, de la distanciation physique. Allez, soyons lyriques deux secondes : un vent de libération souffle sur la France. Presque en mieux : cette fois, on n’a tondu personne. Emmanuel Macron, prophétique, l’avait annoncé, au début de la guerre, c’était le 13 avril, souvenons-nous, devoir de mémoire oblige : « Nous retrouverons les jours heureux. » C’était très beau, comme chantait Jean Gabin, j’peux pas mieux dire ! Et mardi, le prophète et roi tweetait : « La réouverture des cafés, hôtels et restaurants signe le retour des jours heureux ! » Vous voyez, je vous l’avais promis. Macron a dit, Macron a fait.
Et puis, il y a les lendemains qui chantent et ceux qui ont la gueule de bois. C’est ainsi que Le Parisien nous apprend, ce 3 juin, que le gouvernement envisage de prolonger l’état d’urgence sanitaire, cet été. Parce que, il ne faut pas l’oublier, nous sommes encore en état d’urgence sanitaire, malgré les sandales des femmes et les chemises ouvertes des tombeurs de bistrot. C’est-à-dire toujours sous ce régime d’exception qui permet de restreindre les libertés d’aller et venir, d’entreprendre, de se réunir, et ce, à la diligence du gouvernement et des préfets. Le 11 mai dernier, cet état d’urgence a été prolongé par le Parlement jusqu’au 10 juillet seulement, alors qu’initialement, le gouvernement souhaitait le faire jusqu’au 24 juillet. L’entrée en vigueur de cette prolongation n’avait, d’ailleurs, pas été sans cafouillage puisqu’il avait fallu attendre que le Conseil constitutionnel rende son avis. Conseil constitutionnel qui, par ailleurs, avait quand même censuré deux mesures envisagées par le gouvernement : l’isolement prolongé des malades sans l’intervention d’un juge et l’accès au système de données d’information destiné au traçage des malades pour les organismes chargés de l’accompagnement social.
Ce gouvernement aurait-il un problème avec la question des libertés fondamentales ? On peut se poser la question.
Donc, prolongation, pendant l’été, de ce régime d’exception ? Et pourquoi ça ? L’objectif serait d’anticiper un éventuel retour de la pandémie durant l’été. On sait que gouverner, c’est prévoir – la preuve avec l’affaire des masques –, mais tout de même… Le Parisien rapporte les propos d’un conseiller ministériel : « Personne n’est capable de savoir s’il y aura une deuxième vague ou pas dans les semaines à venir. En prolongeant l’état d’urgence, on se donne les moyens de pouvoir agir, notamment en restreignant la liberté d’aller et de venir au cas où un nouveau pic de contamination réapparaissait pendant les vacances. » Le vote serait prévu à l’Assemblée nationale le 17 juin. Donc, si l’on comprend bien, l’idée serait, avant que les parlementaires ne partent en vacances (sans doute fin juillet), de leur demander de laisser au gouvernement les clés de la maison. Laissez tout ça là, on s’en occupe. À ce rythme, du reste, alors qu’on nous prédit des temps de pandémie à répétition, pourquoi ne pas carrément installer notre pays dans un état d’urgence sanitaire permanent ? La santé d’abord, c’est bien connu.
D’aucuns diront que le gouvernement s’accoutume bien à cet état d’urgence sanitaire. Faudrait tout de même pas que ça devienne de la dépendance, comme une sorte de drogue, vous voyez. Douce ou dure, cette drogue, on ne sait pas encore.
Au fait, on en a peu parlé : savez-vous que Viktor Orbán a mis fin, la semaine dernière, aux pleins pouvoirs qui lui avait été attribués par le Parlement hongrois, le 30 mars dernier, pour faire face à la pandémie (532 décès à ce jour, soit 55 par million d’habitants, contre 443 par million d’habitants en France…) ? Ça avait hurlé à la dictature…
Georges Michel
Source : http://bvoltaire.fr
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