Gouvernement : une très soutenable attente
Dans cette Ve République agonisante, le rôle d'un ministre n'est, certes pas essentiel.
Doublés par les conseillers de l’Élysée dédiés à leur secteur, prisonniers de leurs administrations, interdits d'initiative et tenus à l'obéissance, les ministres, s’ils sont toujours ce que l’étymologie dit d'eux – des serviteurs – ne le sont plus de l’État mais de leur maître-président. Il décide, ils exécutent, et la plus grande de leurs prérogatives consiste à répondre aux questions du Parlement en se contentant, si le Premier ministre veut bien les y autoriser, d'ânonner chaque mardi et mercredi devant l'Assemblée et chaque jeudi devant le Sénat les fiches préparées par leurs rares collaborateurs.
Dans ces conditions, l'inhabituelle attente d'un remaniement rendu nécessaire par la démission du ministre d’État, ministre de l’intérieur Gérard Collomb (qui, à cette occasion s'est livré à un implacable réquisitoire contre la politique migratoire et sécuritaire menée tant par ses prédécesseurs que par lui-même), venant après celle de Nicolas Hulot, ne revêt donc pas, en elle-même, une grande importance.
Elle témoigne, en revanche, de la décomposition interne du régime.
Que cinq personnalités politiques ou issues de la « société civile » aient refusé d'entrer, comme cela leur était proposé, au gouvernement en dit long sur le prestige et l’attrait désormais attachés à la fonction ministérielle et sur la perception de son impuissance. Le roi Macron est nu et tous peuvent aujourd’hui le voir.
Que les propositions appuyées faites par le Premier ministre Édouard Philippe de faire entrer ou monter plusieurs de ses proches venus comme lui de LR en dit long sur la qualité des rapports entre les deux têtes de l’Exécutif.
Que le Président de la République n'ait d'autre obsession dans ce réaménagement que la loyauté ou l'absence de loyauté des impétrants possibles, en dit long sur le degré de confiance qu'Emmanuel Macron accorde aux siens.
Que les dossiers des sélectionnés soumis à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) chargée de vérifier leur situation fiscale et patrimoniale, mais aussi leur casier judiciaire, donnent lieu à un temps d'examen aussi long (l'annonce du premier gouvernement Philippe en mai 2017 avait déjà été retardée d'une journée sous ce prétexte) en dit long sur la nature des rapports entre pouvoir et argent.
Au final, la fumée blanche sortira de la cheminée élyséenne. Le Secrétaire général Alexis Kohler (visé par une enquête préliminaire pour trafic d'influence) prononcera la Habemus gubernationem…
Mais un pas de plus aura été franchi sur le chemin de la liquéfaction d'un régime qui n'en finit plus de pourrir.
Jean-François Touzé - Délégué national du Parti de la France aux études et argumentaire
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