Décryptage du retrait des États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien
« Provocation », « risque de guerre », « escalade »… C'est une avalanche de prises de positions hasardeuses, de slogans abrupts, d’analyses incertaines et d’explications contradictoires qui déferle par médias interposés, à grand renfort d'experts et de spécialistes autoproclamés, depuis l'annonce par Donald Trump du retrait américain de l'accord dit de Vienne sur le nucléaire iranien.
Face à ce déchaînement et au pathos qui l'accompagne, tentons de nous extraire de la confusion, de sortir de l'opacité, de voir clair sans confondre les causes et les effets, et de dire les choses telles qu'elles sont et non comme le voudrait une approche trop rapide ou dictée par l’idéologie.
Cet accord signé en 2015 par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, par l'Allemagne, par l’Union européenne et par l'Iran est avant tout un accord Obama/Rohani, la Russie laissant faire, la Chine ayant d'autres préoccupations plus urgentes, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne s’alignant passivement sur les positions US et l’UE n’existant pas.
Très peu contraignant quant au contrôle des centrifugeuses iraniennes mais suffisamment lourd pour servir d'alibi devant les opinions publiques, cet accord oiseux n'avait que deux objectifs :
Retarder une possible intervention israélienne sur les sites d'enrichissement iraniens.
Permettre aux sociétés américaines de rétablir leurs relations commerciales, en particulier pétrolières, avec l'Iran sans pour autant risquer d’être entraîné vers une rupture avec l'Arabie Saoudite.
Il suffit pour se convaincre de la réalité de ce deuxième point de constater combien s'est exercée la vigilance américaine pour conserver un quasi-monopole commercial en Iran, ne laissant à l'Europe que les miettes de contrats limités (présence de Total et d'Airbus mais au développement limité et sans grands effets).
La décision de Donald Trump d’extraire les États-Unis de ce piteux accord correspond, il faut le lui reconnaître, à une promesse de campagne et à une position constante de l’actuel Président US qui, une fois de plus, fait ce qu'il avait annoncé.
Elle répond, selon lui et aux regards des intérêts américains, à quatre impératifs :
En finir avec un accord bancal, véritable objet diplomatique non identifié, qui ne pouvait satisfaire ni ceux qui redoutent que l'Iran se dote à court terme de l'arme atomique, ni ceux qui doutent de la réalité de ce risque.
Éviter les frappes israéliennes qui se préparaient. Contrairement à ce qui a pu être dit, ce n'est pas le retrait des État Unis de l'accord de Vienne qui peut enclencher un processus de guerre. C’est précisément l'inverse : Israël, convaincu, à tort ou à raison que l’accord Obama/Rohani permettait, en secret, la continuation du processus nucléaire iranien, inquiet de l'implantation durable de la République islamique en Syrie et au Golan, obsédé par les succès électoraux du Hezbollah au Liban, s’apprêtait à frapper si l'accord était pérennisé.
Affaiblir l'Iran dans sa course au leadership régional face à l'Arabie Saoudite et rassurer cette dernière.
Sortir du court terme commercial et économique imaginé par Obama pour, en instituant un nouveau rapport de force, fragiliser les bases du régime iranien et substituer à terme un nouvel accord plus durable et plus favorable encore aux États-Unis. Trump entend bien, dans cette région du globe comme en Asie, être le Président de la géopolitique commerciale.
On notera la modération des réactions iraniennes, malgré quelques tirs de roquettes sur les lignes israéliennes destinées à rassurer les conservateurs, et, en retour quelques missiles israéliens sur les bases iraniennes pour satisfaire l'ego hébreux.
Modération également de la Russie qui s'est contentée de faire part de sa « préoccupation ».
Et l'Europe ? L'Europe, nous l’avons dit, est inexistante là où la décision de Trump lui donnait une occasion inespérée de s'affirmer. Au-delà des incantations de Macron et de la détermination de façade de la commissaire européenne chargée des relations extérieures affirmant que l'accord de Vienne n’était pas caduc, chacun sait bien que pour Bruxelles c'est aujourd'hui « sauve qui peut », en espérant, sans trop y croire, éviter aux entreprises du vieux continent de subir les représailles américaines en cas de contrats avec l'Iran.
Quant à Emmanuel Macron, c'est un véritable camouflet qu'il vient de subir. Lui qui affichait il y a deux semaines sa proximité avec Donald Trump et affirmait sa certitude de pouvoir créer les conditions d'un nouvel accord aura été le dupe de la farce washingtonienne.
Pour le Parti de la France, aucune solution durable aux conflits multiples qui embrasent le Moyen-Orient ne pourra être trouvée tant que l'Europe demeurera un nain politique et militaire et qu'un partenariat stratégique avec la Russie n'aura pas été établi. La construction de L’Europe de la puissance ne se fera que par le relèvement politique, moral, identitaire et économique des Nations qui la composent, et d'abord de la France qui doit en être le moteur.
En attendant, les États Unis continueront, au rythme de leurs changements de Président et de leurs lubies, de dire la loi internationale qui n’est rien d'autre que celle que leur dictent leurs intérêts.
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