Mort de Louis Nicollin, dernier « fromage qui pue » du foot français
Il est mort le jour de son 74e anniversaire, au milieu de ses amis, autour d’une bonne table. Il avait deux préférences, pour mourir : dans un restaurant ou sur le banc de son équipe de football de Montpellier, dont il assurait la présidence depuis 1974. Il a été comblé.
Celui que tout le monde appelait Loulou, c’était la France à l’ancienne, celle des Trente Glorieuses. Louis Nicollin avait succédé à son père, en 1977, à la tête d’une entreprise qu’il avait spécialisée dans le traitement des déchets, le ramassage et le nettoyage. Quarante ans plus tard, le groupe compte 5.000 salariés et se situe, en France, au troisième rang, dans son domaine, derrière les deux géants Veolia et Suez.
Louis Nicollin, par sa liberté de ton et ses gros mots, ne pouvait que bien s’entendre avec Georges Frêche, le patron de la région montpelliéraine, aussi célèbre que Loulou pour ses saillies verbales qui lui valaient la réprobation de toute la bien-pensance.
Mais c’était surtout un homme qui réussissait ce qu’il entreprenait, tout en demeurant une espèce de « fromage qui pue » qui ne pouvait résister au plaisir de provoquer les journalistes et tous ceux qu’il appelait « les cons ». Il avait pris son club, « La Paillade de Montpellier », en division d’honneur et l’avait fait progresser au plus haut niveau.
En 1990, il gagnait la Coupe de France, avec un capitaine qui s’appelait Laurent Blanc, qui était du pays. Et en 2012, à la surprise générale, alors que le Qatar prenait la direction du Paris Saint-Germain, avec un budget modeste, il remportait le titre de champion de France.
Il a souvent défrayé la chronique par la crudité de ses propos. Il avait qualifié de « petite tarlouze » le capitaine de l’équipe d’Auxerre, qui l’avait exaspéré par son comportement, durant tout le match. Naturellement, les associations homosexualistes s’étaient déchaînées contre lui, et avaient exigé des sanctions.
Il avait attribué le nom d’un organe sexuel masculin à un rédacteur en chef de la rubrique des sports d’un journal local. Il n’avait pas de mots trop forts pour insulter ses supporters quand ceux-ci se comportaient mal.
Quand il n’était pas content d’un entraîneur, il le virait, avec des mots fleuris. Et quand ses dirigeants n’étaient pas à la hauteur de ses attentes, il le faisait savoir, avec sa faconde bien à lui lors de ses mémorables conférences de presse.
Mais Loulou, ce n’était pas qu’un personnage parfois vulgaire et mal embouché. C’était aussi un cœur d’or, un patriarche, un vrai chef d’entreprise, et un patron à l’ancienne. Il ne fallait surtout pas lui demander une augmentation, cela devait venir de lui. C’était un bon vivant, qui invitait très fréquemment chez lui ses salariés, ou ses footballeurs. Il aimait les siens, tout simplement, et cela se voyait.
Et lui mettait ce qu’il appelait « son pognon » dans son club de football, dont il demeurait le seul et vrai patron, même s’il avait placé ses fils à la tête. Personne ne s’y trompait, il demeurait le vrai patriarche.
Dans un football de plus en plus mondialisé, il demeurait sans doute le dernier des Mohicans, celui qui s’accrochait un peu à une identité régionale. Il avait placé comme directeur sportif son frère de toujours, le Nîmois Michel Mézy. Et c’est sous la houlette d’un autre Nîmois, René Girard, qu’il avait décroché le titre de champion de France. Nombre d’anciens footballeurs devenaient dirigeants de son club, ou se recyclaient dans ses entreprises. Et l’an passé, en pleine crise, il avait appelé à la tête de l’équipe, pour sauver le club d’une descente, Jean-Louis Gasset, fils de l’homme avec qui il avait fondé le club, quarante ans plus tôt.
C’était tout cela, Loulou : un grand entrepreneur, un grand président et un homme qui tenait à des valeurs traditionnelles.
Un vestige de la France d’avant…
Pierre Cassen
Source : http://www.bvoltaire.fr
Commenter cet article