Les libéraux se sentent déjà déçus par Macron-Philippe : pauvres choux…
Pour savoir ce que pensent les libéraux français – les vrais, les purs – il y a trente ans, il fallait écouter Alain Madelin. Lequel fut l’un des premiers soutiens de Macron, lui conférant la précieuse estampille. Aujourd’hui, vous êtes priés de lire Gaspard Koenig, normalien, fondateur du think tank Génération libre, dans Les Échos ou ailleurs. Ces jours-ci, il a confié à Libération(c’est beau, un libéral de droite, un vrai « ultra-libéral », donnant une interview à Libé : on est vraiment dans le monde du « en même temps »…) son jugement sur les débuts de ce nouveau pouvoir qu’il a soutenu, lâchant ce pauvre Fillon, bien plus libéral en fait, mais trop conservateur, pas assez libertaire pour lui.
Et après le discours de politique générale d’Édouard Philippe et les premières mesures portées par le ministre de l’Économie Le Maire, l’ancienne plume de Mme Lagarde à Bercy n’y va pas par quatre chemins : c’est la déception qui l’emporte, et il a des mots très durs, que l’on pourrait trouver sous la plume d’auteurs de Boulevard Voltaire, pour caractériser la droite ralliée à Macron : « La ligne Philippe-Le Maire, c’est cette droite pâteuse qui n’a jamais rien fait, qui bloque tout et n’ose rien ; le retour du chiraquisme allié aux technos de Bercy. »
Et notre fougueux libéral en chambre de détailler les raisons de son dépit : « Les grandes réformes structurelles – réforme de l’ISF et baisse de la fiscalité du capital, refonte du CICE – sont repoussées. Sur l’école, Macron était allé assez loin dans son ambition d’autonomiser les établissements pendant la campagne, avec le choix des professeurs et des programmes. On n’en entend plus beaucoup parler. Même chose avec sa réforme de l’assurance-chômage, cette idée de filet de sécurité universel, qui n’est certes pas encore le revenu universel, mais c’était un premier pas. […] Quant à la simplification administrative promise, ça ne peut pas se borner au droit à l’erreur. À l’inverse, on voit le retour en force d’un certain jacobinisme, au détriment des collectivités locales. Sur le reste, on retombe dans de vieux travers, comme ce fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros pour les nouvelles technologies. La logique de l’État stratège qui foire à chaque fois, la bureaucratisation de l’innovation […] avec la gestion du dossier GM&S. C’est le retour des vieilles ficelles : on appelle le patron d’une entreprise où l’État a des parts et on lui dit de mettre 1 million d’euros de plus de commandes. Ça n’a aucun sens économiquement. »
Logique avec lui-même, notre libéral Koenig. Mais Libé a raison de lui rappeler qu’en fait , le libéralisme macronien était très tempéré, très centriste, et que c’est ce programme qui est mis en œuvre. Alors ? Eh bien, notre libéral, censé choisir et voter avec sa raison, avait en fait une croyance cachée. Il est vrai qu’il y a beaucoup de mains invisibles dans le libéralisme. Figurez-vous que Koenig croyait à « l’esprit » du programme de Macron, pas à « la lettre » : « Il y avait l’esprit – le renouveau, la révolution libérale – et la lettre, soit le programme, plus timide. L’espoir, c’était que l’esprit transcende la lettre, et le souci, c’est que, visiblement, la lettre semble être appliquée… à la lettre. »
Et cette lettre n’est pas vraiment libérale. Mais il suffisait de lire…
La prochaine fois, M. Koenig, dites à votre think tank de bien éplucher les programmes pour vous, d’envisager même que certains candidats puissent les appliquer à la lettre. Et ne vous mettez pas à voter de façon irrationnelle en fonction d’affaires de costumes, de Penelope. Si, toutefois, votre préoccupation véritable est bien d’insuffler un vrai libéralisme dans l’économie française.
Pascal Célérier
Source : http://www.bvoltaire.fr
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