Affaire Meklat : pas si tendre, la banlieue…
La Tendre Banlieue de Tito façonne l’imaginaire collectif de la gauche depuis trente-cinq ans. Célèbre bande dessinée dont la lecture était presque obligatoire dans les CDI (centres de documentation et d’information) des collèges et lycées publics, sur les bancs desquels j’ai traîné mes culottes, Tendre Banlieue narrait, avec force idéologie « vivrensembliste » et leçons de morale, le quotidien d’adolescents de la banlieue parisienne, souvent victimes d’injustice et épris de lendemains qui chanteraient… Le grand mangaka Jirō Taniguchi, décédé la semaine dernière, citait d’ailleurs Tito parmi ses sources d’inspiration. N’ayant pas voulu renoncer à leurs représentations idéalisées d’une banlieue depuis disparue, les gens de gauche ne parviennent toujours pas à comprendre comment la France a pu produire des Mohammed Merah, des Kouachi et des Abaaoud.
C’est aussi pour cette raison qu’ils sont comme arrêtés face à la polémique née des suites de la médiatisation de tweets publiés par Mehdi Meklat, symbole d’une « Tendre Banlieue 2.0 » qu’il fallait absolument mettre en avant. Golem de la gauche bien-pensante qui a fait de l’horizon multiculturel son eschatologie laïque, Mehdi Meklat n’était en réalité qu’un simple jeune de ces « quartiers » sortis de la France historique. Médiatisé dès l’adolescence, il est issu d’une union franco-algérienne. Assimilé à l’envers, il a surtout mis en avant ses racines ethnoculturelles venues d’outre-Méditerranée. Aux côtés de son binôme Badrou, le jeune homme de 24 ans a tenu salon sur France Inter, durant plus de six ans, grâce à Pascale Clark, qui s’achetait à peu de frais sa caution banlieue. Mehdi Meklat a même eu droit aux honneurs de la couverture des Inrockuptibles ce mois-ci ; lesquels le présentaient comme étant un petit génie. Et même plus encore : « L’avant-garde d’une nouvelle génération venue de banlieue qui compte bien faire entendre sa voix. » Un conte de fées tel que seule la République irénique sait les raconter.
Malheureusement, Mehdi Meklat avait aussi sa part d’ombre. S’il se cache aujourd’hui derrière un personnage de fiction appelé Marcelin Deschamps, le ton de ses tweets trahit des convictions enracinées. Le second degré et l’humour ne sont pas perceptibles dans tous ses messages, assez classiques pour qui connaît les nouvelles générations des « quartiers ». Ainsi, il a écrit en octobre 2014 : « Charb, j’ai juste envie de l’enculer avec des couteaux Laguiole. » Rien de très différent de la bande-originale du film La Marche, sur laquelle on pouvait trouver un morceau de Nekfeu appelant à un « autodafé sur Charlie Hebdo ».
Dans le même ordre d’idées, Mehdi Meklat s’insurgeait violemment contre la venue d’Alain Finkielkraut à Nuit debout l’an passé. Proche du Collectif contre l’islamophobie en France du crypto-islamiste Marwan Muhammad, l’auteur semblait fasciné par les parcours des terroristes qu’il considérait comme des frères méritant notre compassion…
Je n’aime pas les chasses à l’homme. En effet, Mehdi Meklat n’est qu’un symptôme du pourrissement de notre société. Néanmoins, j’aimerais dénoncer l’hypocrisie de la bobosphère, prompte à jeter en pâture tous ceux qui sortent des clous au nom du bien, au nom de la morale. Ils savaient pertinemment que Mehdi Meklat avait des idées gênantes, mais n’ont jamais rien dit. Ils hésitent encore aujourd’hui à le condamner, au prétexte que nous ne comprendrions pas les codes et l’humour des jeunes des « quartiers ». Les clercs ont des principes à géométrie variable. La clémence est de mise pour Mehdi Meklat. La suspicion est totale pour les autres. D’ailleurs, Mehdi Meklat y participe lui-même, probablement entretenu dans sa bêtise par ses aînés. Quand Nicolas Bedos avait imité un salafiste, Mehdi Meklat s’était insurgé contre les préjugés véhiculés par le sketch. Lui-même n’hésite pourtant pas à verser dans la caricature en présentant les Français simplex, ou les policiers, sous les traits grossiers d’imbéciles engoncés dans leur xénophobie… Comme je le répète souvent, rien n’a changé depuis les années 80. Pierre Desproges le disait déjà : « […] à SOS-Machin, ils ne fustigent que le Berrichon de base ou le Parisien-baguette ».
Gabriel Robin
Source : http://www.bvoltaire.fr
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