Dans Libé, la théorie-du-genre-qui-n’existe-pas est l’amie de la femme…
Chère Marie-Cécile,
Bien sûr, tu es politologue, à moins que ce soit sociologue, ou les deux à la fois. Bien sûr, tu travaillais jusqu’à l’an passé – je l’ai lu – pour le Premier ministre. Tu es sûrement quelqu’un d’important même si, jusqu’à ce matin, je ne te connaissais pas. Mais puis-je quand même t’appeler par ton prénom ? Te tutoyer ? Puisque nous sommes du même sexe – je veux dire du même genre -, enfin bref, puisque nous sommes toutes les deux femmes, nous sommes un peu sœurs dans l’adversité. Cela crée des liens, n’est-ce pas ?
Je viens de lire ton article dans Libé ce matin, sur le blog Égalités, intitulé La théorie du genre, le roi des aulnes du XXIe siècle. Et j’ai été atterrée. Atterrée pour toi… Ce qui est pratique, sur Internet, c’est qu’on peut effacer. Alors vas-y, on ne te regarde pas.
Selon toi, « les obscurantistes et les intégristes catholiques, relayés par une partie de la droite et de l’extrême droite, ont de nouveau dénoncé une prétendue théorie du genre ».
La polémique ayant été relancée par le pape « himself », on imagine que c’est de lui qu’il s’agit ? Le pape François, intégriste ? Mais ma pauvre Marie-Cécile, je crains qu’il ne te pousse un nez rouge et un chapeau à grelots.
Quant à la théorie du genre, si elle est « prétendue », pourquoi donc passes-tu deux pages à vanter ses mérites ? Comme Maxime Le Forestier décrivant sa vie avec le frère qu’il n’a jamais eu, tu racontes donc la nôtre avec la théorie qui n’existe pas ? C’est tellement vrai, pourtant, qu’on s’y croirait. J’ai peur, vois-tu, que l’on ricane dans ton dos.
Et tu prétends, en sus, sans ciller, que cette théorie-du-genre-qui-n’existe-pas est l’amie de la femme, qu’elle défend ses droits ? C’est le pompon, le bouquet, la cerise sur le gâteau.
Mais quand on aime une femme, on ne cherche pas à la changer ! On la prend comme elle est, avec ses qualités et ses fragilités.
On ne dénigre pas ses goûts, ses aspirations, ses rêves, en assenant avec dédain qu’ils lui ont été soufflés par une société patriarcale, et qu’il faut donc en changer. On ne lui impose pas un type d’études, un style de métier, une façon de vivre ou de s’occuper de ses enfants au prétexte qu’elle serait une quiche incapable de savoir ce qui est bon pour elle. On ne cherche pas à nier son identité (de femme), à lui retirer ses prérogatives (de mère), on ne la force pas à soigner sa physiologie (féconde) comme s’il s’agissait d’une pathologie. On ne la dévalorise pas, on ne lui fait pas perdre confiance en elle en lui serinant toute la sainte journée, avec pitié, que le paquetage de base qu’elle a reçu à la naissance est nul, pourri, sans intérêt, et que si elle veut arriver à quelque chose dans la vie, il faut qu’elle s’efforce de le refiler au gros costaud poilu, à côté, pour lui piquer le sien, tellement plus enviable… Ce à quoi, bien sûr, elle n’arrivera jamais tout à fait et qui la laissera éternellement frustrée.
Oui, c’est ainsi qu’on aime une femme. Et quiconque ferait le contraire ne serait, bien sûr, qu’un pervers narcissique, un compagnon tyrannique et méprisable. Tu le sais comme moi.
La vérité est pourtant que ton « genre », imbriqué dans ton féminisme, est ce compagnon-là. Et qu’il est temps de lui claquer la porte au nez. Comme une vraie femme libérée.
Oui, tu peux encore réécrire, Marie-Cécile. Un autre son de cloche sur Libé, cela aurait de la gueule, et cela montrerait que tu en as. Ce n’est pas ça, la théorie du genre ?
Gabrielle Cluzel
Source : http://www.bvoltaire.fr
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