Mépriser l’Euro : du racisme de classe !
Depuis le début de cet Euro, on ne compte plus les réactions méprisantes autour de cet emballement populaire qui anime chaque supporter. Chacun pensant, bien entendu, aller à contre-courant du commun des « beaufs ».
Sur la Toile, les réactions sont quasi unanimes et abondent dans le même sens : l’Euro de football et les attitudes qui l’entourent agacent. Les supporters sont trop bruyants, ils manquent de civisme, ils sont trop alcoolisés, trop nombreux, trop peu respectueux ou encore – bouh ! – trop « haineux ». De gauche à droite, de très à gauche à très à droite, on voit la multitude des intelligents, la foule des philosophes retirés dans leur grotte ou sur leur montagne rivaliser de superlatifs pour moquer et agonir la foule qui se maquille les joues en bleu blanc rouge.
Mais seulement, voilà, nos peinturlurés, nos patriotes du ballon rond, nos gueulards du but refusé et de la faute non sifflée sont heureux. Par les temps qui courent, cela peut parfois être un peu agaçant, mais si les Français avaient tout simplement besoin d’une pause ?
Certains aimeraient se convaincre que le foot, c’est binouze et canapé. Ces gens-là n’ont jamais connu l’époque glorieuse de Platini et des collections Panini. Ils n’ont jamais vu les yeux d’un gamin de 8 ans qui met, pour la première fois, le pied dans une tribune, plus obnubilé par ce qui se passe sur les gradins que par ce qui se passe sur le terrain. Ils ne comprennent pas qu’à travers un club, et a fortiori une équipe nationale, on puisse revendiquer et défendre bien plus qu’un maillot ou un palmarès.
Je vois déjà les critiques hurler : foot business ! Black Blanc Beur ! Équipe au comportement de racaille ! Évidemment oui, bien sûr, ce qui se passe dans le monde footballistique est minable et déroutant à bien des égards. Il reflète, d’ailleurs, avec une exactitude déconcertante les maux de notre société. Ni plus ni moins. Mais comprenez, c’est comme quand vous êtes originaire d’une ville et que cette ville subit les pires sévices. Vous êtes Calaisien et vous voyez s’installer en face de chez vous la jungle de Calais : cela vous fait-il détester votre ville pour autant ?
Je vous l’accorde, la perruque aux couleurs de son équipe, ce n’est pas ce qu’on a fait de plus chic. La promiscuité avec un Polonais de 150 kilos qui vous enlace comme si vous étiez de sa famille alors que vous étiez juste allé boire un verre entre amis peut surprendre. Mais c’est quand même plus sympa qu’une casquette de travers assortie d’un « wesh mademoiselle, file-moi ton 06 », non ?
Et puis, il y a les « footeux », les « ultras », les « hools », ces gamins de de 18 à 25 ans qui se donnent rendez-vous pour cogner. Défouloir d’une semaine sur les chantiers par 35 degrés au soleil ? Amour passionné d’un club ou d’une ville ? Aboutissement d’une société qui refoule toute exaltation de la force ou de la virilité, hormis dans les clips de rap.
D’un côté ou de l’autre, la ferveur est maladroite ou excessive. Mais comme disait Bernanos, « c’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à température normale ».
Pour faire simple : ce mépris autour de l’Euro a vite tendance à tourner au racisme de classe. Cultiver l’idée du prolo lobotomisé et alcoolisé devant sa télé n’est pas vraiment charitable, c’est aussi un peu injuste. Rappelons, simplement, que L’Équipe est le journal le plus lu chez les cadres…
Diane Fisher
Source : http://www.bvoltaire.fr
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