L’État français… nouveau narcotrafiquant ?
Tel qu’il est souvent justement assuré par les historiens, le poisson a généralement tendance à pourrir par la tête. La preuve par notre police ? C’est à se demander, à en croire les révélations du quotidien Libération, relatives à ce qui pourrait bien devenir l’un des plus grands scandales d’État quant à la lutte antidrogue. Rappel des faits, nécessitant néanmoins de rappeler la légitime présomption d’innocence. Il n’empêche…
François Thierry, ancien patron de l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants), n’est pas le premier venu. Et quand il se voit aujourd’hui « soupçonné d’avoir laissé entrer en France plusieurs dizaines de tonnes de cannabis au cours des dernières années, avec la complicité d’un des plus gros trafiquants, recruté par ses soins », nous sommes un peu loin de Philippe Noiret et de Thierry Lhermitte qui, dans Les Ripoux (Claude Zidi, 1984), se contentaient de laisser filer un petit dealer de Barbès pour se faire payer en gigots par le boucher du coin…
Pour tout arranger, l’affaire tombe en même temps que le jugement Michel Neyret, autre super flic habitué aux lambris du pouvoir, mais lui aussi suspecté de ne pas avoir toujours su distinguer indics renseignant la police et pandores rendant d’assez peu menus services aux voyous.
Tout commence le 17 octobre dernier à Paris. 7,1 tonnes de cannabis sont saisies dans trois camionnettes garées boulevard Exelmans. La prise est d’une telle importance que François Hollande s’en va illico faire le paon devant les photographes. Pas de chance, dans l’un des véhicules, on découvre une facture signée d’un certain Sofiane H., aujourd’hui l’un des trois plus importants barons européens de la drogue. Lequel habite justement dans un appartement de trois cents mètres carré avec piscine intérieure… boulevard Exelmans. Le loyer ? 9.000 euros, réglés chaque mois en liquide.
Malgré un casier judiciaire long comme trois bras, Sofiane H. passera plus de temps en boîte de nuit qu’en prison. Sa dernière arrestation remonte à avril 2011. Il en prend pour treize années de placard avant d’être remis, trois ans plus tard, en liberté conditionnelle grâce à une avocate exceptionnelle, Anne-Claire V., qui n’est autre que la compagne de François Thierry !
L’explication ? Sofiane H. aurait été de longue date l’indicateur privilégié de François Thierry. Et, en échange de bons tuyaux, certains policiers de l’OCRTIS auraient aidé au transfert de dix-neuf tonnes de drogue, en provenance du Maroc, sur les plages espagnoles, direction la France. Dans la police, ce type d’arrangements ne remonte pas à hier : protéger un gros poisson pour en obliger d’autres, plus gros encore, à sortir de l’eau.
Mieux, ou pis encore : durant la guerre d’Indochine, l’armée française avait mis sur place un trafic d’opium à grande échelle, afin de financer la guérilla anticommuniste des tribus hmongs, filières qui furent ensuite reprises par la CIA, pour armer ces mêmes résistants, durant la guerre du Vietnam. Dix ans plus tard, on retrouvait ce même mélange des genres, le trafic de cocaïne explosant en Colombie, par la CIA et avec la complicité de la DEA (Drug Enforcement Administration), toujours histoire d’équiper de nouveaux supplétifs, les Contras du Nicaragua, contre le régime plus ou moins « communiste » de Managua, tout en n’oubliant pas au passage d’arroser nombre d’extrémistes musulmans venus faire leur djihad en Afghanistan.
À l’époque, pouvait-on se prévaloir de la sacro-sainte raison d’État ? Oui, peut-être. Mais aujourd’hui, c’est une tout autre histoire. Surtout quand ce qu’il nous reste d’État paraît, justement, avoir perdu toute raison. Affaire à suivre de près, évidemment.
Nicolas Gauthier
Source : http://www.bvoltaire.fr
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