Le Pen éjecté par sa fille : l’enterrement du FN canal historique (par Jérôme Bourbon)
Question du jour ? Qui a tenu le 16 janvier 2011 dans son discours d’intronisation au congrès de Tours les propos dithyrambiques suivants : « Dans sa fonction de Président d’honneur, son irremplaçable expérience comme sa sereine autorité et la rectitude de sa pensée seront pour nous, seront pour moi, un appui déterminant. J’ai été pendant 42 ans le témoin privilégié de ce combat. J’ai vu la droiture, la noblesse d’âme, la persévérance, la vision et parfois la bravoure avec laquelle il a assumé la direction du Front National, toutes qualités qui permettent aujourd’hui, d’affirmer qu’il s’est incontestablement hissé à la hauteur de l’Histoire. Comme fille, j’ai vu aussi, sous la carapace du chef, les blessures causées par l’injustice du traitement fait à notre mouvement, à nos militants et donc à lui-même. Nous avons tous une dette à son égard, la mienne est double puisque Président et père, il a largement contribué à faire de moi, non seulement la militante, mais aussi la femme que je suis. Aujourd’hui je voudrais simplement lui dire merci. »
Réponse : Marine Le Pen, celle-là même qui, après avoir suspendu son père le 4 mai dernier du parti qu’il a fondé et présidé pendant quelque quarante ans, l’a finalement exclu le 20 août dernier. On mesure là toute la tartuferie de la benjamine de Jean-Marie Le Pen qui s’est servi de lui pour obtenir la présidence du mouvement et qui maintenant le jette comme une vieille chaussette, lui reprochant des propos qu’il tient pourtant depuis des décennies.
Par crainte de regarder dans les yeux ce père auquel elle doit tout, la vie, le patronyme, si fructueux électoralement et financièrement, le pouvoir, la carrière politique, les mandats électoraux, les fins de mois, Marine Le Pen, moins de quarante-huit heures avant le bureau exécutif chargé d’exécuter le père-fondateur, a fait savoir qu’avec son mentor Philippot elle ne participerait pas directement au peloton d’exécution. Officiellement, disait-elle, pour ne pas nuire à l’impartialité des débats. Alors qu’elle a télécommandé cette exclusion, donnant ses ordres par téléphone, cachée derrière la tenture, comme l’a souligné pour une fois bien inspiré le premier secrétaire du Parti socialiste.
Il est exceptionnel dans l’histoire politique française, européenne et même mondiale que le fondateur d’un mouvement politique soit exclu par le successeur qu’il a lui-même choisi et dont il a fait toute la carrière ; il est sans précédent que ce soit la fille du chef qui poignarde son géniteur sans le moindre état d’âme. Marine Le Pen est hélas bien de son temps. Comme beaucoup d’enfants gâtés et capricieux qui ont tout reçu et qui ne savent rien donner en retour, elle se débarrasse d’un père devenu gênant pour ses ambitions politiques inversement proportionnelles à ses capacités — plus que limitées — et à ses qualités humaines, culturelles et intellectuelles. Quand on voit à quel point elle est incapable d’appliquer les statuts du mouvement qu’elle préside, comment croire que cette femme serait capable de sortir la France de l’euro, de renégocier des traités internationaux ou de maîtriser le torrent migratoire ? L’amateurisme, l’incompétence montrés dans cette affaire en disent long sur la véritable personnalité de Marine Le Pen qui s’acharne avec une hargne terrifiante contre le fondateur du mouvement pourtant âgé de 87 ans et à la santé chancelante.
Pour une fois nous ne pouvons pas donner tort à Christine Boutin lorsqu’elle déclare, indignée : « comment une fille peut-elle publiquement faire ce qu’elle fait à son père alors qu’elle lui doit tout, elle lui doit la vie, elle lui doit le parti, elle lui doit sa carrière politique ? Pour moi c’est la démonstration que Marine Le Pen est en fait une marionnette entre les mains de monsieur Philippot, qui, lui, est en train de changer complètement le parti. Je dis à ceux qui sont tentés de voter FN, et qui sont en particulier des chrétiens, qu’il n’est pas possible de voter FN lorsque l’on a ces convictions religieuses fortes, parce qu’il n’y a aucune des valeurs qui sont défendues, même celles que défendait monsieur Le Pen, qui étaient celles de la famille, qui était celle du respect de la vie par exemple, eh bien tout cela est abandonné par madame Le Pen qui en plus a un programme de gauche. »
Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le n°3200 de Rivarol du 3 septembre 2015
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