RSI, Pôle Emploi : les dégâts de l’universalité (par Éric Verhaeghe)
Pendant que les fonctionnaires prenaient soin de ne pas se fondre eux-mêmes dans la sécurité sociale universelle qu’ils inventaient pour le commun des salariés, ils ne renonçaient à aucune des ambitions qu’ils avaient affichées pour la société française. Mettre en place un immense système contrôlé par l’État et investissant tous les champs de la protection sociale devenait, à mesure que les années avançaient, une sorte de Graal et d’obsession dictant l’ensemble de la doctrine en vigueur dans la technostructure.
À de nombreux égards, cette ambition prométhéenne de la noblesse d’État a traversé l’imaginaire de ses membres dès 1945 et s’est imposée comme une sorte d’atavisme dictant, réforme même minuscule après réforme même minuscule, l’orientation qui devait être donnée aux textes législatifs ou réglementaires préparés par les différents départements ministériels à la manœuvre. Il est fascinant de voir avec quelle constance cette doctrine s’est imposée, que les gouvernements soient de gauche ou réputés libéraux.
En réalité, ce sont les gouvernements les plus libéraux, officiellement en tout cas, qui ont, ces dernières années, mené les réformes les plus étatistes au titre de l’universalité de la Sécurité sociale. L’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, en 2007, assez curieusement, a marqué une étape inespérée dans l’histoire de cette expansion constante de l’État. Ce chantre prétendu du libéralisme a en effet réussi deux réformes, préparées avant son arrivée il est vrai, mais toujours par des majorités se réclamant de sa doctrine, dont les concepteurs de la Sécurité sociale avaient rêvé en 1945 : l’intégration de l’assurance chômage et des indépendants dans la sphère de la protection sociale contrôlée par l’État.
Ces éléments d’histoire récente constituent les meilleurs témoignages du sens politique qu’il faut donner au projet de la technostructure qui a vu le jour en 1945, après avoir enjambé les réticences de Vichy au « collectivisme » social qui se dessinait. Car, quelles que soient les idéologies dont se revendiquent les élus en France, les réformes qu’ils mettent effectivement en œuvre répondent chaque fois (même de façon minime) à un objectif de pérennisation, de consolidation ou d’expansion du champ étatique dans le domaine social. De ce point de vue, il existe bien en France aujourd’hui une idéologie développée par la technostructure, qui se substitue à la pensée politique ordinaire, et qui permet à cette classe sociale d’étendre sa domination sur l’ensemble de la société.
Dans le cas de Pôle Emploi et du RSI, ces victoires de la technostructure sur la résistance opiniâtre de la société française fournissent des exemples éloquents de l’antagonisme profond qui oppose les intérêts de la technostructure et la protection des assurés : l’universalisation de la Sécurité sociale, faux nez de son étatisation, s’est en effet mise en œuvre au détriment des catégories concernées, et même au détriment de l’intérêt général. C’est précisément ce point qui en rend l’examen tout à fait intéressant.
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