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Le blog politique de Thomas JOLY

Lambert et Bonnemaison, symboles d’un monde déshumanisé (par François Teutsch)

26 Juin 2014, 09:30am

Publié par Thomas Joly

L’actualité nous réserve des coïncidences qu’on peine à croire involontaires. Le 24 juin 2014, alors qu’à Bayonne l’avocat général requérait une peine de 5 ans avec sursis contre le Dr Bonnemaison, accusé d’avoir tué sept patients en fin de vie, le Conseil d’État condamnait Vincent Lambert à mourir de faim et de soif, au nom de la loi Leonetti et du refus de l’acharnement thérapeutique. Le lendemain Bonnemaison était acquitté.

Bonnemaison, Lambert. Deux décisions des juges français qui affirment le droit de faire mourir des personnes dont on estime qu’elles n’ont plus leur place dans notre société. L’un est acquitté, alors même que les actes lui ayant valu le renvoi devant les assises étaient reconnus et revendiqués. L’autre est condamné à mourir de faim et de soif. Deux décisions qui glacent le sang.

On pourra commenter la série d’articles parus sur le sujet depuis quelques jours ici même autant qu’on voudra, et souvent mal à propos, en se dispensant d’une lecture préalable et attentive. Il faut sans doute rappeler quelques idées simples que nos juges, et au delà d’eux nos concitoyens, semblent avoir perdu de vue.

La première, c’est que la vie humaine est sacrée. « Tu ne tueras pas » n’est pas un précepte religieux mais une règle morale qui s’impose à tous. Si notre société a réglementé la guerre, réprimé le meurtre, protégé la victime, et soumis la peine de mort à des conditions strictes, et cela depuis des siècles, c’est parce que ce précepte est inscrit au plus profond de notre condition humaine. L’interdit du meurtre est inhérent à notre nature.

La seconde c’est que nul n’a le droit de décider quelle vie est digne d’être vécue. Peu importent les motifs soit disant compassionnels qui bien souvent dissimulent notre propre incapacité à supporter la douleur, notre égoïsme forcené ou notre individualisme qui, à l’attention pour autrui, préfère son confort quotidien.

La troisième c’est que décider de mettre fin à la vie d’une personne, même en douceur, c’est la tuer. Brutal ? Certes. Mais vérité. Nicolas Bonnemaison a tué. Il l’a fait volontairement. Non parce qu’en administrant un sédatif destiné à soulager des douleurs il a pris le risque d’accélérer le processus létal, ce qu’on appelle l’effet secondaire non voulu en tant que tel. Il l’a accompli par volonté de faire mourir des personnes.

De même pour Vincent Lambert : on ne peut pas le « débrancher » et laisser faire la nature. Il ne dépend d’aucune machine, d’aucun médicament. Il va falloir le mettre à mort, en le privant délibérément du besoin élémentaire d’un organisme vivant : la nourriture et l’eau. Bien sûr, on va l’endormir. Anesthésié, il fera l’objet de ce que Fabrice Hadjadj dénonçait dans le Figaro : un homicide larmoyant.

Cessons de nous cacher derrière la loi Leonetti. Un petit détail se cache derrière des principes que nul ne conteste : l’alimentation et l’hydratation sont considérées comme des traitements. Grâce au Conseil d’État, on peut désormais décider de cesser tout acharnement thérapeutique envers n’importe qui, simplement en cessant de l’alimenter. Ma grand-mère ne boit plus que de l’eau gélifiée à la cuiller et ne se nourrit plus elle-même. Mettre une heure à lui faire avaler un verre d’eau, est-ce de l’acharnement thérapeutique envers une vieille dame atteinte de démence sénile irréversible ?

Grâce aux jurés compatissants de Bayonne, le médecin qui l’accueillera à l’hôpital un de ces jours pourra doucement « pousser la seringue » sans être inquiété.

Nous vivons désormais dans le Meilleur des mondes. Désincarné, déshumanisé.

Et glacial.

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